Le mariage ou le cĂ©libat câest une question de destin » ou de mektub » ? Anissa, elle, est dĂ©jĂ convaincue que son destin », câest de rester cĂ©libataire Jâai 29 ans. Je cherche depuis des annĂ©es. Jâai tout essayĂ©. Tout les sites de rencontres, les muqĂąbalah avec un imĂąm, les sorties entre musulmans⊠Et je suis encore cĂ©libataire. Câest dur pour une femme de mon Ăąge de se retrouver comme ça. Mais aujourdâhui, je ne cherche plus. Câest le mektub⊠». Mais quâest-ce que le mektub » ? Le sens du mektub » dans le Coran Dans lâimaginaire populaire musulman, Tout est Ă©crit, donc pas besoin dâagir ». Cette vision populaire encourage Ă la passivitĂ©, Ă ne pas mobiliser son intelligence crĂ©ative pour trouver des solutions aux problĂšmes de la vie quotidienne ou aux dĂ©fis historiques dâune sociĂ©tĂ© une colonisation, une famine, une inondation, ou une difficultĂ© Ă se marier⊠Quelle est la dĂ©finition et la vision quâoffre le Coran Ă ce sujet ? En langue arabe, mektub » signifie câest Ă©crit ». Bien que trĂšs connu, mektub » nâest pas un concept coranique. Entrons en dialogue avec le Coran pour clarifier cette question. Dieu connaĂźt le passĂ©, le prĂ©sent et le futur de chaque crĂ©ature Le CrĂ©ateur de lâunivers connaĂźt tout ce qui est manifeste et ce qui est cachĂ©, parce quâIl est le CrĂ©ateur de toute chose, de tout ĂȘtre vivant, de la terre et du ciel, de la vie dans lâensemble du cosmos. Il enregistre dans un Livre tout ce que lâhomme fait dans sa vie, Ă lâimage de Google ou de Facebook qui enregistre toute notre vie virtuelle et a tout notre historique de navigation Ne sais-tu pas que Dieu sait ce quâil y a dans le ciel et sur la terre ? Tout cela est dans un Livre, et cela est pour Dieu bien facile »[1]. Il connaĂźt ce qui est passĂ©, prĂ©sent et futur. Car Celui qui est capable de crĂ©er un univers aussi beau et complexe une premiĂšre fois est sans doute capable de redonner vie Ă chacun aprĂšs sa mort. En effet, Il connaĂźt la vie prĂ©sente quotidienne des plus petites crĂ©atures, de mĂȘme quâIl connaĂźt la vie de chaque ĂȘtre humain, ses intentions, ses projets, ses paroles et ses actes secrets et publics Nulle bĂȘte marchant sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne soit comme vous en communautĂ©. Nous nâavons rien omis dâĂ©crire dans le Livre. Puis, câest vers leur Seigneur quâils seront ramenĂ©s »[2]. Il sait ce qui est dans les cieux et la terre, et Il sait ce que vous cachez ainsi que ce que vous divulguez. Et Allah connaĂźt bien le contenu des poitrines »[3]. Il connaĂźt la vie des gĂ©nĂ©rations passĂ©es Alors [Pharaon] dit âQui donc est votre Seigneur, ĂŽ MoĂŻse ?ââ âNotre Seigneur, dit MoĂŻse, est Celui qui a donnĂ© Ă chaque chose sa propre nature puis lâa dirigĂ©eââ. âQuâen est-il donc des gĂ©nĂ©rations anciennes ?ââ, dit Pharaon. MoĂŻse dit âLa connaissance de leur sort est auprĂšs de mon Seigneur, dans un Livre. Mon Seigneur [ne commet] ni erreur ni oubliââ »[4]. MĂȘme sâIl connaĂźt tout, y compris le futur, Il attend de chacun quâil exerce sa part de responsabilitĂ©, quâil se change individuellement et collectivement Allah sait ce que porte chaque femelle, et de combien la pĂ©riode de gestation dans la matrice est Ă©courtĂ©e ou prolongĂ©e. Et toute chose a auprĂšs de Lui sa mesure. Le Connaisseur de ce qui est cachĂ© et de ce qui est apparent, Le Grand, Le Sublime. Sont Ă©gaux pour lui, celui parmi vous qui tient secrĂšte sa parole, et celui qui la divulgue, celui qui se cache la nuit comme celui qui se montre au grand jour. Il [lâhomme] a par devant lui et derriĂšre lui des Anges qui se relaient et qui veillent sur lui par ordre dâAllah. En vĂ©ritĂ©, Allah ne modifie pas lâĂ©tat dâun peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mĂȘmes ⊠»[5]. Enfin, cette question du destin » ou du mektub », pour ĂȘtre mieux comprise, ne doit pas ĂȘtre isolĂ©e de questions plus fondamentales quel est le sens notre vie sur terre ? Qui est Dieu et quâest-ce quâIl attend de nous ? Qui est lâhomme et quâest-ce quâil est capable de comprendre et de faire dans sa vie ? Dieu fait de lâĂȘtre humain son Successeur â KhalĂźfah â libre de faire le bien et le mal Toute crĂ©ature visible telle que la pierre, la mer, le soleil, les plantes, ou les animauxâŠ, obĂ©it strictement Ă la volontĂ© de Dieu sous la forme de lois universelles. LâĂȘtre humain est le seul ĂȘtre connaissable qui est libre de faire le bien et le mal, câest pourquoi dans la vie derniĂšre, il sera jugĂ©. Il ne pourrait pas ĂȘtre jugĂ© pour des actes quâil aurait commis malgrĂ© lui â Ă cause dâun inconscient, dâune force magique ou dâun mektub qui lui imposerait de faire le mal â car sinon, au jour du Jugement, il pourra dire Ă Toi qui nous a créé ! Tu sais bien que le mal que jâai fait dans ma vie, je lâai fait Ă cause de mon inconscient, Ă cause de shaytĂąn ou dâun djinn qui mâa possĂ©dĂ©, ou encore, Ă cause du âmektubââ ». Si le Jour du Jugement existe, câest que lâĂȘtre humain est responsable. Si ce dernier est responsable, câest quâil est capable dâexercer sa libertĂ© Ă faire le bien comme le mal. Si Dieu connaĂźt lâĂȘtre humain, Sa connaissance nâest pas une loi qui sâimpose Ă lui. Le fait que Dieu connaisse tout nâannule pas le pacte fondateur quâIl a passĂ© avec lâĂȘtre humain faire de ce dernier son successeur sur terre, libre de servir Dieu, câest-Ă -dire le Vrai, le Bien, le Juste et le Beau, ou de servir toute autre divinitĂ© » ou valeur directrice. LâĂȘtre humain est donc responsable collectivement et individuellement de la gĂ©nĂ©ralisation du cĂ©libat qui se produit Ă une Ă©poque comme la nĂŽtre. Le cĂ©libat un mal ou bien un choix qui a autant de valeur que le mariage ? Certains sâĂ©tonnent aujourdâhui que lâon traite le cĂ©libat comme un mal et non comme un choix positif parmi dâautres. Ils nous imposent une question nouvelle dans lâhistoire de lâhumanitĂ© Ă lâexception des moines, prĂȘtres⊠en quoi le cĂ©libat est-il un mal ? Et pourquoi ne serait-il pas un choix qui aurait autant de valeur que le mariage ? Tout dâabord, la plupart des hommes et des femmes cĂ©libataires le sont malgrĂ© eux. Câest majoritairement un Ă©tat subi. Certains, pour ne pas le vivre mal ou pour ne pas ĂȘtre socialement dĂ©valorisĂ©s, affichent de façon ostentatoire un cĂ©libat choisi qui les rendrait plus heureux que le mariage. Bien souvent, ces personnes elles-mĂȘmes sont dans une attitude ambivalente elles vont dĂ©valoriser le mariage et valoriser le cĂ©libat ; elles vont valoriser leur indĂ©pendance et confier quâelles souffrent de leur solitude ; elles vont valoriser leur libertĂ© amoureuse et sexuelle en cultivant des relations jetables tout en rĂȘvant de lâAmour durable de leur vie⊠Bref, mĂȘme chez ces personnes qui affirment avoir choisi le cĂ©libat, la frontiĂšre entre lâexpression dâune libertĂ© heureuse et une situation malheureuse vĂ©cue malgrĂ© elles nâest pas trĂšs nette⊠Ensuite, les hommes et les femmes sont naturellement faits lâun pour lâautre. Et aujourdâhui encore, la majoritĂ© des hommes et des femmes qui vivent dans la planĂšte terre aspirent Ă vivre en couple. Si donc la majoritĂ© aspirent Ă vivre en couple mais quâils finissent cĂ©libataires, alors le cĂ©libat devient le nouveau mal du siĂšcle que lâon doit affronter. Dâun point de vue historique, il est vrai que le cĂ©libat a toujours existĂ©, dans toutes les sociĂ©tĂ©s humaines. Mais il nâa existĂ© que comme une rĂ©alitĂ© marginale. A lâexception des pĂ©riodes de guerre oĂč les femmes se retrouvent massivement cĂ©libataires malgrĂ© elles car les hommes meurent massivement au combat. En tant que rĂ©alitĂ© marginale, le cĂ©libat a toujours Ă©tĂ© acceptable. On connaĂźt bien des hommes et des femmes ordinaires qui nâont pas pu ou voulu se marier, pour diffĂ©rentes raisons. On connaĂźt bien des savants, des hĂ©ros ou des saints⊠qui se sont mariĂ©s Ă la cause » et qui nâont pas connu la vie de couple. Mais lorsquâil se gĂ©nĂ©ralise, le cĂ©libat devient une source de dĂ©sordre social aujourdâhui, le cĂ©libat ne peut se gĂ©nĂ©raliser quâen gĂ©nĂ©ralisant aussi les relations sexuelles jetables, la souffrance amoureuse, la solitude pour tous, la pollution du dĂ©sir sexuel par lâindustrie de la pornographie, les mĂšres cĂ©libataires » qui Ă©lĂšvent seules leurs enfants, etc. MĂȘme lâabandon des vieux dans leur maison individuelle ou dans les maisons de retraite est directement liĂ© Ă la gĂ©nĂ©ralisation du cĂ©libat car pour supporter financiĂšrement ses vieux parents, pour en prendre soin dignement comme ils ont pris soin de nous plus jeunes, un individu peut difficilement lâassurer tout seul. Parce quâil y a besoin dâĂȘtre une famille pour ĂȘtre un support pour ses parents lorsquâils se font vieux. Autrement, lâindividu se sent Ă©crasĂ© par la lourdeur de cette charge. Lâhomme est responsable du mal qui le touche Il a vocation Ă rĂ©sister au mal et Ă rĂ©aliser le bien en lui et autour de lui. Dieu nâest pas la cause ou lâauteur du mal de la guerre, de lâinjustice politique, de lâignorance, de la famine, du mariage forcĂ©, du cĂ©libat ou divorce qui se gĂ©nĂ©ralise⊠Il nâest pas responsable du mal qui fait sa loi dans la vie des hommes. Câest cette vĂ©ritĂ© quâIl nous rappelle dans le Coran La corruption est apparue sur la terre et dans la mer Ă cause de ce que les gens ont accompli de leurs propres mains; afin qu'[Allah] leur fasse goĂ»ter une partie de ce quâils ont ĆuvrĂ©; peut-ĂȘtre reviendront-ils vers Allah »[6]. A lâheure de la crise Ă©cologique planĂ©taire, on voit bien le lien entre le mauvais comportement humain et le dĂ©sordre dans la mer et dans le ciel le mal quâon avale dans nos repas quotidiens malbouffe industrielle, mĂ©dicaments, plastiquesâŠ, est rejetĂ© aux toilettes et finit dans la mer oĂč il tue la vie des poissons et des plantes, ainsi que dans lâair quâil pollue⊠De la mĂȘme maniĂšre, Dieu nous invite Ă ne pas faire comme si la pauvretĂ© Ă©tait un mal naturel, une fatalitĂ© ou un arbitraire du destin » ou des dieux. Il nous rappelle que lâĂȘtre humain est responsable de la pauvretĂ© et quâil est capable de la rĂ©duire en multipliant le don, en imaginant et en institutionnalisant des formes de solidaritĂ©. Et rejeter sa responsabilitĂ© dâhomme et de femme face Ă la lutte contre la pauvretĂ©, câest rejeter Dieu. Câest ce que nous enseigne par exemple ce signe qui montre le comportement de ceux qui rejettent leur responsabilitĂ© sur Dieu face Ă la pauvretĂ© Et quand on leur dit âDĂ©pensez de ce que Dieu vous a attribuĂ©ââ, ceux qui sont dans le dĂ©ni de Dieu disent Ă ceux qui ont cru âEst-ce Ă nous quâil appartient de nourrir ceux que Dieu, sâIl le voulait, pourrait nourrir Lui-mĂȘme ? Vous ĂȘtes vraiment dans un Ă©garement manifeste !ââ »[7]. Ils rejettent leur responsabilitĂ© avec malice, non pas en niant lâautoritĂ© de Dieu mais en renvoyant Ă Dieu la responsabilitĂ© de rĂ©soudre le problĂšme de la pauvretĂ© sur terre. Lorsquâon les invite Ă donner de leurs biens, ils rĂ©pondent Si Dieu nâa pas nourri cette personne, sâIl ne lâa pas sortie de la pauvretĂ©, câest quâil y a une raison. Alors pourquoi moi vais-je contredire la volontĂ© de Dieu ? ». Nier sa responsabilitĂ© collective et individuelle face au mal qui nous touche, câest nier quâon est libre dâoffrir au monde plus de justice ou de laisser lâinjustice faire sa loi, câest nier Dieu, câest nier ce pour quoi Dieu nous a créé rĂ©pondre Ă son Invitation sa Daâwah Ă rĂ©aliser sa volontĂ©, câest-Ă -dire Ă se mettre au service du Vrai, du Bien, du Juste et du Beau. Que ce soit des problĂšmes de pauvretĂ©, de santĂ©, de guerre, de mariages forcĂ©s, de divorces ou de cĂ©libat lâĂȘtre humain est responsable de tous les dĂ©sordres quâil vit sur terre, responsable dây rĂ©sister et de les transformer en une rĂ©alitĂ© meilleure. Il ne peut pas Ă©chapper Ă sa responsabilitĂ© en expliquant que Câest comme ça parce que câest Ă©crit » ; Câest comme ça quâon a toujours fait ! » ; Câest comme ça quâont fait les anciens ! » ; Câest ce que lâĂ©poque moderne veut »⊠Toutes ces diffĂ©rentes formes de fatalismes sont des façons pour lâhomme dâĂ©chapper Ă sa vocation et Ă son mĂ©tier dâHomme. ReconnaĂźtre quâil nâexiste aucune divinitĂ© si ce nâest Dieu lâUnique, câest accepter dâexercer son courage en refusant de traiter lâhabitude, la tradition passĂ©e ou prĂ©sente ici, lâĂ©poque moderne comme une fatalitĂ© Ă laquelle on doit obĂ©ir et se soumettre. Conclusion ReconnaĂźtre quâil nâexiste aucune autre divinitĂ© si ce nâest Dieu lâUnique, câest sâengager Ă agir pour le bien et la justice dans toutes les situations de la vie privĂ©e et publique. Quand lâinjustice, le dĂ©sordre ou le mal domine Ă une Ă©poque donnĂ©e â par exemple, lorsquâil y a une colonisation, une famine, une Ă©pidĂ©mie, la gĂ©nĂ©ralisation du mariage forcĂ© â lâhomme est invitĂ© Ă lui rĂ©sister et Ă rendre son monde meilleur. De la mĂȘme maniĂšre, parce quâaujourdâhui, on assiste Ă la gĂ©nĂ©ralisation du divorce, du cĂ©libat et de la solitude, il est de notre responsabilitĂ© collective de renforcer les liens de solidaritĂ© de proximitĂ© et de dĂ©velopper une politique du mariage. Le problĂšme du cĂ©libat nâest pas le problĂšme individuel du cĂ©libataire. Câest un problĂšme qui se traite collectivement et non pas en demandant au cĂ©libataire de trouver une solution par lui-mĂȘme. En ce sens, Dieu ne commande pas au cĂ©libataire de se marier. Bien plutĂŽt, Il fait du devoir de faciliter le mariage des cĂ©libataires le devoir collectif de la famille Ă©largie et de la sociĂ©tĂ© Mariez les cĂ©libataires parmi vous ⊠»[8]. Cette philosophie de la responsabilitĂ© humaine nâest-elle que de la thĂ©orie ? Comment la civilisation musulmane a-t-elle exercĂ© sa responsabilitĂ© individuelle et collective pour faciliter le mariage ? Câest ce que nous verrons Ă lâoccasion dâun prochain article. Notes [1] Coran 22 70 [2] Coran 6 38 [3] Coran 64 4 [4] Coran 20 49-52 [5] Coran 13 8-11 [6] Coran 30 41 [7] Coran 36 47 [8] Coran 24 32Pouvonsnous changer notre destin ? Le ProphĂšte (Salla Allah alayhi wa salam) a dit: ALLAH MET UN ANGE EN CHARGE DE LâUTĂRUS ET CELUI-CI DIT: âSEIGNEUR, CâEST UN SPERME ! Ă SEIGNEUR, (CâEST
RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Bibliographie Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s Venus dans les villes françaises dĂšs les annĂ©es 1970, les marabouts ouest-africains y ont trouvĂ© un cadre propice aux pratiques de divination et de recours contre lâinfortune qui Ă©taient les leurs dans les villes africaines. La plupart dâentre eux ont tentĂ© de faire de cette activitĂ© leur gagne-pain, en touchant parfois trĂšs volontairement une clientĂšle multiculturelle. Lâobjet de cet article est dâanalyser le champ des compĂ©tences qui leur sont prĂȘtĂ©es Ă Paris et lâĂ©volution des schĂ©mas explicatifs du malheur quâils proposent Ă leurs consultants. Ă cĂŽtĂ© de leur rĂŽle de devin et dâintercesseur, câest celui dâĂ©couteur et de conseiller qui apparaĂźt de plus en plus nettement. Attachment, Block, Protection. Some Aspects of Witchcraft amongst West-African Marabouts in the Paris Region. â The first marabouts immigrated to the french cities in the seventies, coming from West-Africa. In this new environment they found a favourable context for the divinatory practices and the providing of remedies against misfortune that they already carried out in african cities. Most of them tried to make this activity into a job and reached deliberately clients of all origins. The purpose of this article is to examine the extent of their interventions in Paris and the modifications in the interpretations of misfortune that they propose to their clients in this cross-cultural context. Beside their role of prophets and of specialists interceding with Allah and the jinns, the role of listener and counsellor that they also assume is becoming more and more de page Texte intĂ©gral 1Dans la France contemporaine, les propositions religieuses de lutte contre le mal et de combat contre lâinfortune sont trĂšs nombreuses. Elles Ă©manent tant dâĂglises constituĂ©es que de petits entrepreneurs religieux indĂ©pendants. Certaines sont ouvertement rivales. Ainsi depuis 1998, les rituels de dĂ©livrance » pratiquĂ©s par lâĂglise Universelle du Royaume de Dieu1, de mĂȘme que ses prĂ©dications, visent la lutte contre les actions malĂ©fiques des marabouts, considĂ©rĂ©s comme les responsables principaux de la survenue de dĂ©mons. Comme lâĂ©crit Marion AubrĂ©e citĂ©e dans Dard 2003 64, les marabouts sont transformĂ©s en boucs Ă©missaires rituels dans la mesure oĂč ils reprĂ©sentent une force concurrente pour lâĂglise Universelle dans ce nouveau recrutement quâelle fait actuellement parmi les populations noires ». Venus dans les villes françaises dĂšs les annĂ©es 1970, les marabouts y ont, en effet, trouvĂ© un cadre propice aux pratiques de divination et de recours contre les difficultĂ©s de lâexistence qui Ă©taient les leurs dans les villes africaines. Figures de lâislam ouest-africain, ils ont, pour la grande majoritĂ© dâentre eux, abandonnĂ© dans ce nouveau contexte le large Ă©ventail des rĂŽles quâils assumaient en Afrique, en particulier celui dâenseignant du Coran, pour se rapprocher du statut lĂ©galement Ă peine tolĂ©rĂ©, mais socialement florissant, de voyants dont ils sont eux-mĂȘmes devenus les concurrents. La plupart dâentre eux ont tentĂ© de faire de cette activitĂ© leur gagne-pain, avec des succĂšs trĂšs variables. Loin de rester confinĂ©s aux milieux ouest-africains, les marabouts ont touchĂ©, dĂšs leur arrivĂ©e en France, et parfois trĂšs volontairement comme en tĂ©moigne leur publicitĂ©, une clientĂšle multiculturelle. Celle-ci est constituĂ©e principalement dâAfricains venant de toutes les rĂ©gions dâAfrique, de MaghrĂ©bins et de personnes dâorigine maghrĂ©bine, dâAntillais, de mĂ©tropolitains », de Portugais2. 2De nombreux anthropologues ont proposĂ© des explications Ă cette floraison du recours Ă des personnages mĂ©diateurs et Ă la sorcellerie dans les sociĂ©tĂ©s urbaines contemporaines, tant dans le champ de lâislam que dans celui dâautres pratiques religieuses. Certains mettent en avant le lien entre sorcellerie et politique, conquĂȘte, maintien du pouvoir3. Dâautres interprĂ©tations considĂšrent les pratiques de guĂ©rison et de sorcellerie comme lâarme des plus faibles et des laissĂ©s pour compte de la globalisation Comaroff & Comaroff 1999 ou encore, dans des contextes oĂč les pratiques religieuses Ă©taient strictement contrĂŽlĂ©es4, comme lâexpression dâune identitĂ© rĂ©affirmĂ©e Rasanayagam 2006. Pour sĂ©duisantes quâelles soient, ces perspectives semblent parfois trop unilatĂ©rales et laissent Ă lâarriĂšre-plan lâanalyse des logiques internes Ă lâĆuvre dans ces pratiques de guĂ©rison, de rĂ©solution du malheur et de sorcellerie, ainsi que leur bricolage dans un contexte donnĂ©. Sâagissant des marabouts ouest-africains, nous nous attacherons moins, dans cet article, Ă tenter une explication globale de leur Ă©mergence Ă Paris quâĂ dĂ©gager les diverses interprĂ©tations de lâinfortune quâils proposent Ă leurs consultants, et de la façon dont celles-ci sont travaillĂ©es par le contexte parisien et par une clientĂšle aux origines multiples5. Le champ dâintervention des marabouts 3Les raisons qui conduisent Ă consulter un marabout sont nombreuses. Quelques exemples montreront lâĂ©tendue des compĂ©tences qui leur sont prĂȘtĂ©es. 4Khadi, Ă©tudiante tchadienne vivant Ă Paris, vient de recevoir du Cameroun de mauvaises nouvelles de sa sĆur cette derniĂšre ne se sent pas bien, erre sans but alors que les mĂ©decins ne lui trouvent rien. TrĂšs inquiĂšte, Khadi se prĂ©cipite dans le foyer du xie arrondissement oĂč vit le marabout DramĂ© Que se passe-t-il ? Quelle est la cause de ces dĂ©sordres ? » Le marabout fait une divination, rassure, promet des mĂ©dicaments Ă venir chercher le soir mĂȘme. Il faut mâaider, grand⊠! » implore la consultante qui, une fois sortie, pour redoubler dâefficacitĂ©, se rend immĂ©diatement chez Sherif, un second marabout, plus jeune, auquel elle pose les mĂȘmes questions ; celui-ci fait dâautres rĂ©ponses et propose dâautres mĂ©dicaments. 5Maria, portugaise dâĂąge mĂ»r, attend son tour dans la salle dâattente de Gassama. Elle vient consulter pour son fils qui, depuis quelques temps, reste couchĂ© et ne prend aucune initiative. Elle veut confirmer auprĂšs du marabout sa propre hypothĂšse la cause de cette attitude nâest pas naturelle ; il sâagit aussi de trouver un remĂšde Ă ce comportement anormal. 6Bahia, jeune femme dâorigine algĂ©rienne ĂągĂ©e dâune trentaine dâannĂ©es se dĂ©sole de ce quâaucun de ses projets ne se rĂ©alise ; la demande de logement social faite il y a plusieurs annĂ©es semblait aboutir, de nombreuses Ă©tapes administratives avaient Ă©tĂ© franchies et au dernier moment, est survenu un incomprĂ©hensible refus⊠Comment expliquer ces revers ? Une perspective plus favorable se dessinera-t-elle ? Telles sont les questions pressantes que Bahia pose Ă Diakhaby. 7Suzy, Antillaise de 35 ans a beaucoup dâinquiĂ©tude sur lâavenir de son couple le comportement de son ami a changĂ©, elle sent quâil lui cache une part de sa vie, elle sait quâil a autrefois quittĂ© une premiĂšre femme⊠Sa lassitude est telle quâelle souhaite vivre seule avec ses enfants. Quelle issue ? Quel avenir ? », demande-t-elle Ă Diaby lors dâune Ă©mission de voyance en direct sur une chaĂźne de radio antillaise. 8Quant Ă Marie, jeune femme dâorigine parisienne, elle cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă retrouver un homme quâelle a follement aimĂ© et qui lâa quittĂ©e dans sa quĂȘte, elle rencontrera plusieurs marabouts6. 9Bien quâelles nâĂ©puisent pas lâensemble des requĂȘtes, ces cinq situations critiques montrent que le registre dâintervention des marabouts est celui de la vie quotidienne dans toute son Ă©tendue chĂŽmage, avancement, logement, peines de cĆur, Ă©ducation des enfants, conflits familiaux ou de travail, maux inexpliquĂ©s sont autant de difficultĂ©s que certains citadins cherchent Ă rĂ©soudre dans le cabinet » dâun marabout. Ce fait parisien est conforme aux observations faites depuis plusieurs dĂ©cennies dans les villes africaines ; lâĂ©tude menĂ©e par Jean-Marie Gibbal 1974 auprĂšs dâĂ©coliers et de jeunes dĂ©scolarisĂ©s dans trois petites villes ivoiriennes Ă la fin des annĂ©es 1960 montrait la forte prĂ©gnance de diverses explications et pratiques occultes lorsquâil sâagit de se protĂ©ger contre les accidents de voiture, de rĂ©ussir dans les relations amoureuses, Ă lâĂ©cole comme sur le stade. Câest Ă©galement le cas, au SĂ©nĂ©gal, des requĂȘtes reçues, dans les annĂ©es 1980, par un Ă©phĂ©mĂšre marabout-guĂ©risseur de la rĂ©gion dakaroise GuissĂ© 1997 ou de celles formulĂ©es aux marabouts de la ville malienne de Nioro du Sahel Soares 20057. Cette convergence prouve, sâil en est encore besoin, que le pragmatisme par lequel on a souvent caractĂ©risĂ© le religieux en Afrique excĂšde largement ce cadre. Au demeurant, lâattachement aux rĂ©alitĂ©s du monde et lâaccomplissement des aspirations individuelles traversent actuellement lâensemble des religions, comme lâont montrĂ© les travaux de nombreux sociologues8. Cette tendance nâa fait quâaccroĂźtre en leur sein les offres dâefficacitĂ© immĂ©diate dans la rĂ©solution des conflits au quotidien. 10La visite Ă un ou plusieurs marabouts constitue dâailleurs le plus souvent le maillon dâune chaĂźne des recours que chaque consultant forge selon ses rencontres et ses besoins, dans la complĂ©mentaritĂ© ou la succession. Ainsi, Astou trouve-t-elle dans la divination dâun marabout la confirmation du diagnostic de son gynĂ©cologue concernant sa stĂ©rilitĂ©, tout en projetant de se rendre Ă Lourdes. Ainsi, pour mettre fin au comportement dĂ©sordonnĂ©, selon elle, de sa fille, Zohra consulte-t-elle un marabout parisien aprĂšs avoir rendu visite Ă un cheikh au Maroc dont elle fait suivre le traitement Ă sa fille. Ainsi, pour apaiser la crise trĂšs aiguĂ« que traverse son couple, Berthe sâadresse-t-elle au curĂ© de sa paroisse en mĂȘme temps quâĂ un marabout. Ces itinĂ©raires complexes, trĂšs personnels, largement identifiĂ©s dans le domaine mĂ©dical9 sont aussi frĂ©quents dans tout ce qui relĂšve des difficultĂ©s inexplicables et des incertitudes du quotidien. Ce pluralisme couvre un large spectre, variable selon les consultants, qui va, le plus souvent sans solution de continuitĂ© ni hiĂ©rarchie, du religieux au mĂ©dical, du soin par les plantes ou par des psychothĂ©rapies de formes classique ou alternative Ă des pratiques Ă©sotĂ©riques. 11Les marabouts sont donc, parmi dâautres spĂ©cialistes, les tĂ©moins privilĂ©giĂ©s des tensions, des inquiĂ©tudes, des dĂ©fiances qui traversent la sociĂ©tĂ© française contemporaine dans son ensemble, bien au-delĂ des populations immigrĂ©es. Il est certes possible dâidentifier des questions particuliĂšres Ă ces derniĂšres celles relatives notamment aux papiers de sĂ©jour, celles dĂ©voilant la condition malheureuse de femmes Ă©pousĂ©es au pays, en AlgĂ©rie ou au Maroc qui, transplantĂ©es brusquement dans un monde dont elles ne savent rien, confinĂ©es dans la solitude parisienne, ne comprennent pas le comportement parfois trĂšs libre de leur mari ; la visite au marabout est alors leur seule source dâinterprĂ©tation et de rĂ©confort. Les questions les plus douloureuses tĂ©moignent des liens toujours trĂšs forts et souvent ambivalents entretenus avec le pays dâorigine et la parentĂ© qui y est restĂ©e. Si tout ce que fait Wahid Ă Paris Ă©choue, nâest-ce pas parce que sa famille agit dans lâombre et Ă distance pour le faire revenir au Maroc ? Si le mari de Lucia a brusquement changĂ© de comportement, nâest-ce pas parce quâau pays, ses parents, opposĂ©s Ă ce mariage, ont tout fait pour briser le couple ? Et pour Ernestine qui souhaite rentrer aux Antilles et y ouvrir une boutique, il paraĂźt vital de protĂ©ger son projet contre lâenvie possible de ses proches. Entre tentative dâĂ©mancipation individuelle et soumission au groupe, câest toute la complexitĂ© et les multiples avatars de la dette communautaire »10 qui viennent sâexprimer dans les cabinets des marabouts, lorsque, pour ceux qui nâen ont pas mis clairement en question lâemprise, celle-ci se traduit par des Ă©checs incomprĂ©hensibles, des maux physiques ou des craintes engendrant des demandes de protection. 12Mais, Ă cĂŽtĂ© de ces demandes et plaintes spĂ©cifiques, celles qui se font le plus souvent entendre sont communes Ă lâensemble des consultants, sans distinction dâorigine et sâexpriment en des termes semblables. Le travail est lâune des questions majeures perte dâemploi, stages Ă rĂ©pĂ©tition, prĂ©caritĂ©, difficultĂ©s dâinsertion, de progression, de titularisation, changements dâorientation, conflits avec ses collĂšgues, ses supĂ©rieurs, autant dâexpĂ©riences douloureuses dont les marabouts entendent quotidiennement le rĂ©cit. Cependant la question la plus frĂ©quente concerne la cohĂ©sion du couple et de la famille dans ses multiples dĂ©clinaisons amour, sexualitĂ©, entente entre les gĂ©nĂ©rations, inquiĂ©tude sur la fragilitĂ© des relations, etc. Câest sans doute pour cette raison que certains marabouts se sont dĂ©clarĂ©s spĂ©cialistes des problĂšmes dâamour, ou encore amoureulogue » selon la publicitĂ© de lâun dâeux, et que lâune des formules rĂ©currentes de ces petites cartes par lesquelles ils se sont fait connaĂźtre promet le retour immĂ©diat de lâĂȘtre aimĂ© ». Effet de la modernitĂ© parisienne ? Rien nâest moins sĂ»r. DĂšs le xe siĂšcle, on trouve dans le GhĂąyat al-hakĂźm Lâobjectif du sage, ouvrage Ă©crit par un auteur andalou au nom controversĂ©, souvent prĂ©sentĂ© comme pseudo, Maslama al-MajrĂźtĂź, un grand nombre de recettes de charmes et des talismans figuratifs dâamour/haine composĂ©s en relation avec des coordonnĂ©es astrales. Cette rĂ©fĂ©rence historique centrale montre que les problĂšmes dâamour sont un grand classique de la magie islamique11. Il en est de mĂȘme dâune autre action pour laquelle les marabouts sont Ă©galement trĂšs sollicitĂ©s assurer la prospĂ©ritĂ© commerciale. Si elle sâapplique au commerce contemporain, elle nâen est pas moins lâun des travaux maraboutiques les plus anciennement attestĂ©s puisquâon en trouve la trace dans lâhistoire de la ville de DjennĂ© Mali12. Cette association du religieux et du commercial rappelle le lien trĂšs ancien existant, en Afrique de lâOuest, entre marchands et lettrĂ©s, fondement de lâexpansion de lâislam dans cette rĂ©gion. Lâon trouve donc dans les compĂ©tences prĂȘtĂ©es Ă ces spĂ©cialistes de la magie islamique de grandes constantes. Cependant cette constatation va de pair avec une caractĂ©ristique majeure de la science des secrets » asraria, lasrari, termes dĂ©rivĂ©s de lâarabe ilm al-asrĂąr transmise aux marabouts par leur maĂźtre ou Ă©changĂ©e avec leurs pairs son adaptabilitĂ©. La mĂȘme recette faâida se prĂȘte Ă de nombreuses interprĂ©tations et peut sâadapter Ă toutes sortes de situations, de formulations et de contextes. On peut alors considĂ©rer que, passant de lâAfrique Ă la France, et frĂ©quentant Ă Paris de multiples milieux culturels et sociaux, les marabouts se livrent davantage Ă un travail de traduction et dâaccommodement quâĂ un vĂ©ritable remaniement symbolique de leurs pratiques. 13Bons observateurs des prĂ©occupations et des usages de leurs consultants, les marabouts connaissent parfaitement les pĂ©rĂ©grinations de ces derniers entre diffĂ©rents spĂ©cialistes. Ils en prennent souvent ombrage, en particulier lorsque ceux-ci sont leurs rivaux directs. Et ils ne manquent pas de mettre en garde leurs clients contre le travail nĂ©faste quâaurait pu faire pour rĂ©soudre leur problĂšme un monsieur » prĂ©cĂ©demment consultĂ©. Sâils ne parviennent pas Ă dissuader leur interlocuteur de nâavoir Ă faire quâĂ eux seuls13, ils refusent parfois dâintervenir. Mais ce qui semble nâĂȘtre quâun moyen de pression sur le consultant sâexplique aussi par la crainte que suscite toujours le savoir de lâautre, dans un univers oĂč parler ou Ă©crire, câest faire. 14En revanche il est des collaborations de fait que les marabouts acceptent. Sans doute est-ce en raison de la lĂ©gislation française concernant lâexercice de la mĂ©decine que la plupart des marabouts parisiens sont rĂ©ticents Ă intervenir dans le domaine de la maladie » au sens occidental du terme et renvoient les consultants concernĂ©s vers leurs mĂ©decins. Ceci nâempĂȘche pas les marabouts dâaffirmer la supĂ©rioritĂ© de leur art pour tous les maux que la mĂ©decine ne sait ni diagnostiquer ni soigner, tel le cas des tĂȘtes qui tournent »14. Certains dâentre eux ont dâailleurs cherchĂ©, sans succĂšs, Ă coopĂ©rer avec des services hospitaliers ou des praticiens. Mais Ă Paris, la sĂ©paration des pouvoirs », selon lâexpression employĂ©e par un marabout sur les ondes dâune radio, semble sinon respectĂ©e, du moins clairement affirmĂ©e. En outre, câest au voyage en Afrique que les marabouts prĂ©fĂšrent inciter tout consultant prĂ©sentant un cas quâils considĂšrent comme grave. 15Cette complĂ©mentaritĂ©/rivalitĂ© est lâune des explications de lâattirance des marabouts vers des savoirs sortant du champ de la magie islamique. Mais il faut remarquer que dĂšs lâAfrique, la connaissance » que chacun dâeux a reçue est dans la plupart des cas composite. Chez les plus lettrĂ©s, Ă lâapprentissage islamique classique et Ă celui du maniement talismanique de lâislam sâajoutent souvent des secrets dâune autre nature, tels ceux fondĂ©s sur la connaissance des propriĂ©tĂ©s curatives des vĂ©gĂ©taux. Chez dâautres, les connaissances issues de lâislam sont largement complĂ©tĂ©es par des Ă©lĂ©ments dâastrologie, par un don personnel ou un itinĂ©raire singulier, par un savoir spĂ©cifique de berger ou de chasseur, par des pratiques familiales de guĂ©rison, par des bribes diverses recueillies au hasard des rencontres, savoirs transmis le plus souvent oralement. La recherche pragmatique de pratiques issues dâautres cultures sâest perpĂ©tuĂ©e Ă Paris, Ă des degrĂ©s variables selon les individus. Certains ont mĂȘme enrichi leurs connaissances en frĂ©quentant des radiesthĂ©sistes, en apprenant les tarots ou en Ă©tudiant lâalchimie, la minĂ©ralogie. Ces nouveaux acquis sont utilisĂ©s dans des compositions diverses, selon le consultant ou la situation, mĂȘme si dans la plupart des cas, câest lâarsenal issu de la magie islamique qui reste dominant. Ils permettent notamment de faire face aux modifications induites par le mode de vie parisien. Ainsi pour normaliser » sa prĂ©sence dans un salon de voyants, TourĂ© se sert-il des tarots comme instrument de divination ; ainsi pour parer au peu de temps dont disposent ses consultants, DiakhitĂ© utilise-t-il les cauris dont il a appris le maniement Ă Paris. Ce second exemple montre dâailleurs que la contrainte du temps induit un choix Ă lâintĂ©rieur mĂȘme des multiples pratiques divinatoires habituelles aux marabouts. Lâune des plus classiques, le listikhar, rĂȘve divinatoire reconnu par lâislam15, parce quâil nĂ©cessite un dĂ©lai16 avant quâune rĂ©ponse soit donnĂ©e, tend Ă ĂȘtre supplantĂ© au profit de procĂ©dĂ©s plus rapides. 16Cette diversitĂ© des savoirs qui caractĂ©rise la pratique maraboutique, diversitĂ© recherchĂ©e par curiositĂ© du pouvoir de lâautre autant que par souci dâaccommodement au contexte parisien, est prĂ©cisĂ©ment lâargument qui, depuis le xive siĂšcle, alimente la condamnation des marabouts par les musulmans les plus orthodoxes, au nom de lâinterdiction du shirk17. Elle les oppose actuellement Ă dâautres praticiens musulmans qui ne se rĂ©clament que de la mĂ©decine prophĂ©tique et de la ruqiya, traitement du malheur fondĂ© sur lâusage exclusif des paroles coraniques18. Lâon se contentera, ici, de remarquer que bien des procĂ©dĂ©s sont communs aux deux types de spĂ©cialistes et que les marabouts se revendiquent, pour la plupart, comme des musulmans rigoureux. Mais lâautre point par lequel les partisans de la ruqiya cherchent Ă se dĂ©marquer des marabouts est quâils ne considĂšrent comme licite que ce qui relĂšve de la contre-sorcellerie. Leur action serait strictement limitĂ©e au diagnostic divinatoire dâattaques malĂ©fiques et au combat contre celles-ci, tandis que celle des marabouts relĂšverait dâune action visant Ă transformer le cours de la nature ; câest Ă ce titre quâelle serait harĂąm et relĂšverait de la sorcellerie. Cette rhĂ©torique du bien et du mal, du blanc et du noir, de la dĂ©fense et de lâattaque, et ici du halĂąl licite et du harĂąm illicite est trĂšs rĂ©pandue ; mais entre dĂ©truire un sort dont serait victime un consultant et obtenir un gain quâil viserait, la distance est parfois tĂ©nue. Autant quâune question de contenu, le ressort de ces oppositions est le plus souvent la lĂ©gitimitĂ© que les praticiens cherchent Ă se forger et la concurrence qui sâĂ©tablit entre eux. Dâailleurs dâautres courants musulmans, tel le salafisme, proscrivent comme shirk aussi bien les pratiques maraboutiques que la ruqiya et toute rĂ©fĂ©rence au mauvais Ćil »19. Les frontiĂšres de lâorthodoxie sont donc Ă©minemment dĂ©plaçables et fluctuantes. 17Ces praticiens de la ruqiya sont moins visibles, Ă Paris, que les marabouts. Cependant lâon trouve en bonne place dans toutes les librairies musulmanes des manuels de ruqiya dont certains ont une vente soutenue. Lâun des plus rĂ©pandus dĂ©bute ainsi Malheureusement nous vivons une Ă©poque oĂč ces trois affections djinns, sorcellerie et mauvais Ćil, prennent des proportions considĂ©rables. Les sorciers et charlatans se multiplient tandis que les praticiens de la voie dâAllah sont rares. Il est donc de notre devoir de prĂ©venir les populations contre ces flĂ©aux, de leur donner les moyens de se protĂ©ger et de se soigner dans la mesure du possible, et de former des praticiens aux mĂ©thodes agréées par lâIslam » Ben Halima & Leila 200320. 18Si la diffusion de ce type dâouvrage peut traduire une reprise du traitement de la sorcellerie par un islam qui se veut plus orthodoxe, elle est surtout, au-delĂ de lâopposition et de la rivalitĂ© entre spĂ©cialistes, un tĂ©moignage supplĂ©mentaire de la vogue actuelle de ce genre de pratiques dans la France contemporaine, vogue Ă laquelle certaines tendances de lâislam participent pleinement21. Câest pourquoi il semble trĂšs partiel dâaffirmer que les jeunes femmes dâorigine maghrĂ©bine ou antillaise qui frĂ©quentent les marabouts ne le font que par hĂ©ritage ou attachement culturel. Ces pratiques, parfois liĂ©es Ă des courants de style new age », se sont banalisĂ©es et dissĂ©minĂ©es dans toutes les couches de la sociĂ©tĂ©. Elles sont assumĂ©es sans rĂ©ticence. Entre jeu et sĂ©rieux, entre pari et dĂ©tresse, cette attitude domine lâensemble des consultants. Les raisons du malheur 19Les requĂȘtes faites aux marabouts tĂ©moignent dâun double souci dâabord comprendre, connaĂźtre ce que sera lâavenir dâune demande, dâune relation, dâun projet. Câest en effet lâincertitude, mais aussi lâincomprĂ©hension devant une situation inĂ©dite, lâimpuissance devant de brusques changements, le sentiment insupportable de se trouver dans une impasse », face Ă un mur » comme le dit une cliente, qui dĂ©terminent les consultants Ă trouver le moyen de voir plus clair »22. Câest aussi le dĂ©sir parfois non dĂ©nuĂ© de scepticisme mais souvent dĂ©mesurĂ© et dĂ©sespĂ©rĂ© de faire quelque chose »23 pour sortir de cet Ă©tat, qui les anime. Câest prĂ©cisĂ©ment sur cette double compĂ©tence et ce petit coup de pouce » donnĂ© au destin que les marabouts parisiens ont fondĂ© leur originalitĂ© face aux voyants classiques qui, selon eux, se contentent de la phase de divination. Ces deux Ă©tapes ne sont parfois pas nĂ©cessaires et peuvent ĂȘtre dissociĂ©es. MĂȘme lorsque la rĂ©ponse est mauvaise, bien des consultants ne vont pas jusquâĂ sâengager dans une sĂ©rie dâactions longues et souvent coĂ»teuses. Mais en gĂ©nĂ©ral, la sĂ©ance divinatoire est suivie du travail », phase oĂč le marabout agit pour dĂ©nouer la situation. Ce terme de travail », traduction du mot wolof liggeey, est Ă prendre dans un double sens Ă la fois comme action sur la nature et comme activitĂ© professionnelle de fabrication dâamulettes, de rĂ©citation de priĂšres, de veilles nocturnes. 20On ne dĂ©veloppera pas ici les nombreux procĂ©dĂ©s divinatoires utilisĂ©s par les marabouts, procĂ©dĂ©s qui, comme on lâa rapidement Ă©voquĂ©, sont lâobjet de rĂ©interprĂ©tations, dâemprunts, voire de crĂ©ations personnelles. Ce qui nous intĂ©resse ici est lâĂ©ventail des rĂ©ponses donnĂ©es aux consultants parisiens. 21Mohammed, jeune informaticien, sâinquiĂšte pour sa situation professionnelle. Il ne parvient pas Ă trouver un travail stable et lutte pour trouver une issue. Ă cause de la conjoncture », il a dĂ©jĂ renoncĂ© Ă un projet prĂ©cĂ©dent ; actuellement il attend la rĂ©ponse dâun Ă©ventuel associĂ©, hĂ©site Ă partir sâinstaller aux Ătats-Unis⊠La rĂ©ponse du marabout auquel le jeune homme expose ses incertitudes est que, certes il vise trĂšs loin, il est ambitieux, mais quâil doit impĂ©rativement, avant son dĂ©part, ĂȘtre protĂ©gĂ© contre le mauvais Ćil. Car sa discrĂ©tion sur sa situation aiguillonne la curiositĂ© de son entourage Vous cachez le maximum possible et tout le monde croit que vous roulez sur lâor » [âŠ]. 22Nadia, jeune femme de 30 ans se dĂ©sole de lâattitude de son mari il ne lui parle plus, semble ne plus la voir⊠Selon le marabout, cette situation nâest pas naturelle et ce barrage » est dĂ» Ă lâaction dâune tierce personne qui ne souhaitait pas leur mariage ; mais il dĂ©tourne Nadia de lâaccusation de sa belle-mĂšre â sans pour autant dĂ©voiler une autre piste. Ce qui importe, câest de dĂ©truire ce quâon a fait sur le mari, pour quâil reprenne son Ă©quilibre ». 23Marie ne compte plus ses dĂ©boires amoureux. Incapable de nouer une relation durable, elle se demande si elle ne fait pas fuir les hommes⊠DĂ©crivant sa situation, le marabout lâassure quâelle nâa rien Ă se reprocher mais quâelle est victime dâun shejtan ; câest la jalousie de celui-ci qui Ă©loigne tout homme ; le marabout met Marie en garde contre une aggravation de son cas qui pourrait se traduire par des cauchemars. 24Dernier exemple Marie-Claude consulte pour son jeune fils malgrĂ© son envie de rĂ©ussir, ses rĂ©sultats scolaires sont dĂ©sastreux. Il ne mĂ©morise rien, est trĂšs perturbĂ©, il a honte de lui-mĂȘme⊠Marie-Claude ajoute quâelle-mĂȘme a eu autrefois des problĂšmes en Guadeloupe, pour lesquels elle a Ă©tĂ© soignĂ©e » et protĂ©gĂ©e⊠La divination du marabout montre que câest en fait Ă elle quâ on » voulait sâattaquer, mais quâen raison de la protection dont elle bĂ©nĂ©ficie, lâaction malĂ©fique sâest rĂ©percutĂ©e sur lâenfant. Un dĂ©senvoĂ»tement sâavĂšre indispensable. 25Ces divinations Ă©manant de marabouts diffĂ©rents appellent une constatation majeure dans lâunivers maraboutique, le monde est en permanence semĂ© de dangers et la vie est comme un champ de forces » Blanchy 2006. Pour certains, prĂ©sents en France de façon Ă©pisodique, le contexte parisien nâinflue pas sur cette vision ; pour dâautres, il ne fait quâaggraver la violence. La concentration incontrĂŽlable, dans un mĂȘme lieu, de populations venant de multiples horizons, et la vulnĂ©rabilitĂ© dâune partie de celles-ci, en raison mĂȘme de leur totale mĂ©connaissance des menaces qui les guettent, font de Paris et des grandes villes en gĂ©nĂ©ral les terrains privilĂ©giĂ©s de lâattaque malĂ©fique. Il faut aussi noter quâaux yeux de bien des marabouts, Paris est un milieu souillĂ© souillure matĂ©rielle due Ă la promiscuitĂ© des appartements parisiens qui empĂȘche le respect des rĂšgles de puretĂ© et dâĂ©vitement, souillure due aux demandes excessives de certains clients, surtout dans le domaine de lâamour, qui les forceraient Ă outrepasser certaines limites de leurs pratiques en les poussant vers lâillicite24. Par ailleurs, des rĂ©cits circulent, racontant des rencontres avec des gĂ©nies qui hantent certains lieux de la ville le mĂ©tro, les foyers de travailleurs25. Paris est donc un lieu menaçant et inquiĂ©tant â dont cependant certains marabouts maĂźtrisent parfaitement les codes. 26Le langage de lâattaque malĂ©fique sâexprime, en français26, par un petit nombre de termes rĂ©currents. La notion centrale est celle dâ attachement » ; une personne attachĂ©e » est lâobjet dâune action occulte qui en fait le jouet de lâauteur de cet acte. Ainsi la divination du marabout Sow montre-t-elle que son client a Ă©tĂ© attachĂ© » par son rival afin quâil ne rĂ©ussisse pas son permis de conduire. Inversement, câest lâ attachement » que devra rĂ©aliser le travail du marabout pour accorder deux associĂ©s, faire en sorte quâune femme ne regarde que son mari, quâune mĂšre aime son enfant, quâun supĂ©rieur accĂšde aux dĂ©sirs de son employĂ©. Lorsquâil sâagit dâune action malĂ©fique, un synonyme dâ attachement » est le terme dâ empĂȘchement ». Une femme ne parvient pas Ă convaincre son ami de cĂ©lĂ©brer une union halĂąl celui-ci est empĂȘchĂ© » en raison de lâinfluence exercĂ©e par une rivale. Mais dâautres expressions plus euphĂ©miques dĂ©crivent cette situation Il y a quelquâun qui ne vous laissera pas tranquille » ou Vous ne jouez pas de vous-mĂȘme » dĂ©clare Guirassy. Le rĂ©sultat de ces actions est le blocage » ou le barrage ». On a tout fait pour bloquer votre avenir » Ă cette description de lâĂ©tat de sa consultante auquel il annonce quâelle est victime dâun mauvais sort, le marabout ajoute Câest comme si vous Ă©tiez emprisonnĂ©e ». Quant Ă cet homme qui sâĂ©loigne de sa femme, il subit un blocage interne, il ne peut pas faire sortir ce quâil a en lui-mĂȘme ». Et cette femme qui ne parvient pas Ă nouer de relation stable avec un homme On dirait que quelquâun parle Ă cet homme pour revenir en arriĂšre et faire le barrage. » La mĂ©taphore courante de lâouverture ou de la fermeture des portes est aussi frĂ©quemment employĂ©e. 27MĂȘme si les effets de lâaction malĂ©fique sont nettement dĂ©crits par les marabouts, les termes employĂ©s, trĂšs imagĂ©s, sont donc assez courants. Ils constituent comme un vocabulaire basique, minimaliste, de lâattaque occulte qui sâapplique aussi bien Ă la pratique maraboutique Ă Paris quâĂ une sorcellerie plus ancienne ou Ă des conceptions inspirĂ©es du new age. On retrouvera ce nivellement lorsquâon Ă©voquera les causes du malheur. 28Mais pour ĆcumĂ©nique » quâil soit, ce lexique renvoie cependant aussi Ă des pratiques africaines et Ă des conceptions issues de la magie islamique27. Ainsi attacher » correspond Ă un acte magique bien connu en milieu peul pengal on fiche violemment un clou dans un arbre en prononçant le nom de la jeune fille ou du jeune homme que lâon souhaite retenir. Autre geste aux marges de lâislam la fabrication, malgrĂ© son interdiction dans le Coran28, de cordelettes de nĆuds que certains marabouts serrent en rĂ©citant incantations et versets coraniques et en prononçant le nom de la personne Ă attacher ». Enfin, trĂšs courant Ă Paris, lâusage dâun cadenas spĂ©cialement travaillĂ© » dans lequel, en le refermant, on capture la personne de laquelle on obtiendra ainsi ce que lâon dĂ©sire lâamour, un stage, etc.. BĂ©nin, Fon bĂČcyÉÌ pour empĂȘcher un supĂ©rieur de revenir sur la faute dâun subordonnĂ© bĂČcyÉÌ, littĂ©ralement bĂČ, objet dont la puissance est activĂ©e par un traitement particulier et cyÉÌ, enveloppe corporelle du mort, son dĂ©signe toute reprĂ©sentation humaine sculptĂ©e, et est toujours considĂ©rĂ©e comme une chose-dieu, Ă la fois singuliĂšre mais reproductible, dont la puissance tient plus Ă sa prĂ©sence quâĂ ses facultĂ©s de reprĂ©sentation. Voir Jean Bazin, Retour aux choses-dieux », in C. Malamoud & Vernant dir., Corps des dieux Le temps de la rĂ©flexion, 7, pp. 253-273, 1986. BĂ©nin, NagĂŽ, bĂČcyÉÌ pour tuer un ennemi Sud-Togo, Ewe, bĂČcyÉÌ pour unir un couple pour la vie Sud-BĂ©nin, Aja-Fon, bĂČcyÉÌ pour unir un couple pour la vie 29Ainsi le vocabulaire le plus neutre, sâil peut avoir un effet unificateur auprĂšs dâune clientĂšle multiculturelle, se rĂ©fĂšre nĂ©anmoins Ă des fabrications, des gestes et des paroles nettement identifiables. Attacher », attraper », bloquer », barrer » ces actes, sâils ne sont pas sans Ă©voquer des pratiques semblables dans bien des cultures, en particulier dans celles du Bassin mĂ©diterranĂ©en29, nâen rĂ©vĂšlent pas moins une conception particuliĂšre de lâunivers et de la personne. Ni cosmologie bien ordonnĂ©e, ni hiĂ©rarchie bien structurĂ©e de principes vitaux, câest au contraire une sĂ©rie de reprĂ©sentations trĂšs fluides qui fonde la pensĂ©e des marabouts et dĂ©termine leur action. On ne peut entrer ici dans les nombreuses variantes selon la culture propre de chacun, selon leur degrĂ© dâimprĂ©gnation musulmane. Mais dans le fonds commun quâils partagent, le monde est peuplĂ© de plusieurs catĂ©gories dâĂȘtres qui gravitent entre les hommes et Dieu. Certains sont des anges malĂąâika clairement identifiĂ©s dans la pensĂ©e musulmane ainsi JibrĂźl, MikaâĂźl, AsrafĂźl et ArzaâĂźl interviennent trĂšs rĂ©guliĂšrement dans le travail maraboutique et leur nom est trĂšs souvent inscrit sur les talismans. Dâautres forces au statut plus flou, nommĂ©es rawhĂąn ou jinne30 agissent Ă©galement sur les hommes et la nature, puissances qui peuvent ĂȘtre bĂ©nĂ©fiques ou malĂ©fiques, en particulier les anges dĂ©chus souvent nommĂ©s shejtan. Ces ĂȘtres sont bien prĂ©sents Ă Paris, comme on lâa vu plus haut. Les marabouts ont des contacts privilĂ©giĂ©s avec ce monde redoutable ; leur art, toujours considĂ©rĂ© comme dangereux, consiste Ă invoquer les plus bienveillants de ces ĂȘtres afin quâils les aident Ă rĂ©soudre les problĂšmes qui leur sont soumis, et Ă combattre les plus malfaisants, qui attaquent la personne31. Celle-ci peut ĂȘtre attachĂ©e » de diffĂ©rentes maniĂšres, en particulier en atteignant une de ses composantes son propre jinne, ĂȘtre ambivalent qui la fait agir. Câest ce jinne que le marabout cherche Ă capter lors de la divination, câest lui quâil travaille » dans un sens favorable ou nĂ©faste Ă la personne. Câest en gĂ©nĂ©ral par le nom32 de celle-ci que le marabout attrape » son jinne. Mais il est encore dâautres maniĂšres de toucher une personne par des points spĂ©cifiques de son corps, selon une anatomie Ă©sotĂ©rique variable selon les marabouts33, ou encore par des Ă©lĂ©ments physiques de ce corps, cheveux, rognures dâongle, quâon pourrait prĂ©lever, ou encore par les traces quâelle pourrait laisser, empreinte de pas, eau dans laquelle elle se serait lavĂ©e, trace manuscrite, enfin par tout objet lui appartenant. Ă Paris, les Africains de lâOuest qui partagent ces conceptions ne cessent de mettre en garde leurs amis français qui souvent en ignorent tout, contre des gestes anodins en apparence qui pourraient leur nuire oublier un vĂȘtement, donner inconsidĂ©rĂ©ment son nom Ă une personne dont on nâest pas sĂ»r⊠30Dans ce champ de forces » que constitue lâunivers, la personne est donc soumise Ă une multitude dâinfluences, positives ou nĂ©gatives, qui la font agir. MĂȘme hors de toute atteinte caractĂ©risĂ©e, elle est en permanence sous surveillance, Ă©minemment vulnĂ©rable. Son Ă©quilibre est toujours menacĂ©, toujours prĂ©caire. Lâattaque occulte, quelle que soit sa cause, ne fait que prĂ©cipiter la victime dans le dĂ©sĂ©quilibre et la dĂ©possession de soi Vous ĂȘtes hors de vous-mĂȘme », dĂ©clare Guirassy Ă une consultante dont il a dĂ©celĂ© lâenvoĂ»tement ; Il est trĂšs perturbĂ© dans sa personnalitĂ©, il est dĂ©contenancĂ©, il ne se sent pas Ă lâaise, ce nâest pas du tout de son vouloir » ou encore il perd sa conscience34, tout est fait pour le dĂ©stabiliser, pour le rendre inexistant », dit-il dâun homme atteint par un mauvais sort. Cette fragilitĂ© quasiment structurelle de la personne explique la multiplicitĂ© et lâintensitĂ© des attaques dont elle peut ĂȘtre lâobjet. 31Mais quels sont, Ă Paris, les agents de ces actions occultes ? Si lâon compare lâĂ©ventail des causes de malheur Ă©voquĂ©es par les marabouts en Afrique de lâOuest avec celles qui prĂ©valent en France, on constate que certaines sont en voie de disparition. Câest le cas en particulier de lâaction nĂ©faste de la lune, des Ă©toiles ou du vent, câest-Ă -dire de la nature elle-mĂȘme, dont il est fait peu de cas Ă Paris. Il en est de mĂȘme pour la transgression dâun interdit, sans doute en raison de la variĂ©tĂ© des systĂšmes de rĂ©fĂ©rence dont les marabouts perçoivent lâexistence chez leurs consultants. Les sorciers mangeurs dâĂąme », ĂȘtres mauvais en eux-mĂȘmes35, sont Ă©galement assez rarement incriminĂ©s ; dâailleurs les termes de sorcellerie », ensorcellement » font trĂšs peu partie du vocabulaire des marabouts parisiens. Seuls quelques marabouts mettent en avant ces sorciers dont il font une cause redoutable et frĂ©quente de malheur, en les comparant sans ambiguĂŻtĂ© Ă des vampires ; ainsi lâun dâeux reproduit Ă Paris comme aux Antilles, oĂč il a fait de frĂ©quents sĂ©jours, un cadre sorcellaire directement issu de sa culture peule ; pour lui, câest une mĂȘme entitĂ© malĂ©fique nocturne et noire qui peut sĂ©vir en tout lieu, quâon la nomme sukunya en pular, sorcier » en français, engagĂ© » ou mauvais vivant » aux Antilles36. Cette Ă©clipse des sorciers en milieu urbain a dĂ©jĂ Ă©tĂ© maintes fois remarquĂ©e Fassin 1992 139 et sq.37, attribuĂ©e notamment Ă lâaffaiblissement, dans ce cadre, des rĂ©gulations lignagĂšres, Ă lâislam qui les combat, au poids de la justice moderne. Concernant Paris, il est vrai que ceux des marabouts qui Ă©voquent les sorciers sont parmi les moins islamisĂ©s. Mais outre ces explications, il faut noter des glissements de vocabulaire entre sorcellerie et envoĂ»tement, finissant souvent par rendre les termes presque synonymes ; on constate aussi que les dĂ©finitions sont trĂšs flexibles, qui montrent un chevauchement de ces causes plutĂŽt quâune coupure tranchĂ©e entre elles. En outre, il apparaĂźt que lâimaginaire de ceux qui Ă©voquent les sorciers » ne correspond pas exactement aux descriptions traditionnelles de ces entitĂ©s ne sâagit-il pas plutĂŽt de voir dans leur prĂ©sence en ville, loin du maintien dâun ordre social, le dĂ©sordre, lâinconnaissable qui fait de son voisin, du passant, de tout citadin un vampire » potentiel ? Nâest-ce pas plutĂŽt une intense inquiĂ©tude face Ă la grande ville qui se traduit ici ? Lâimaginaire semble avoir Ă©tĂ© lui-mĂȘme travaillĂ© par lâunivers parisien. 32Cependant dâautres causes du malheur sont plus frĂ©quemment mises en avant, telle lâaction malĂ©fique des gĂ©nies et des anges, jinne ou shejtan, dont on a Ă©voquĂ© plus haut la prĂ©sence Ă Paris. Lâun des arguments Ă lâappui de ce diagnostic est lâexistence de mauvais rĂȘves qui assiĂšgent le consultant. 33Un Ă©tudiant expose son angoisse permanente, les cauchemars quâil fait depuis de nombreuses annĂ©es, sa thĂšse de doctorat quâil ne parvient pas Ă terminer ; pour le marabout quâil consulte, câest shejtan qui rĂ©flĂ©chit, qui rĂ©agit Ă sa place et le pousse vers la folie. MĂȘme interprĂ©tation pour cette femme qui vient dâĂȘtre quittĂ©e par un homme quâelle aimait câest son propre jinne mĂąle jaloux qui Ă©loigne dâelle tout homme. LâĂ©chec de nombreux mariages est expliquĂ© en ces termes. Lâexistence de ces jinne est un grand classique de la magie islamique, et le Coran en fait lâune des trois causes du mal38. 34Le malheur peut aussi ĂȘtre attribuĂ© au destin, Ă la chance de la personne, instable par nature39 Le destin dâune personne, câest en escalier », dĂ©clare Diaby. Cette cause, qui ne repose sur aucune action occulte mais rĂ©vĂšle la main dâAllah, nâen a pas moins les mĂȘmes effets nĂ©fastes que les autres câest Ă une chance qui a tournĂ© », une malchance », une dispersion de chance », comme les grains de mil qui sâĂ©parpillent », prĂ©cise Gassama, quâAlain doit les problĂšmes quâil rencontre actuellement dans son travail. 35Mais la raison qui lâemporte de loin est le mal fait par un tiers humain. Ătre victime dâun mauvais sort ou dâun envoĂ»tement » causĂ© par lâenvie quâĂ©prouve autrui est lâexplication la plus frĂ©quente de toutes sortes de dĂ©sordres, quâil sâagisse dâun projet quâon ne parvient pas Ă rĂ©aliser, dâune dĂ©ception amoureuse, dâun emploi quâon ne trouve pas, dâune mauvaise ambiance entre collĂšgues40. La jalousie survient toujours sans que la victime soit en rien responsable Vous ne le mĂ©ritez pas, vous avez rendu beaucoup de services aux gens », Il y a des personnes qui, dĂšs que vous tournez le dos, vous mettent le couteau derriĂšre », insiste Guirassy. Elle peut avoir un motif discernable la rivalitĂ© entre femmes au sujet dâun mĂȘme homme, la compĂ©tition entre deux personnes Ă propos dâune promotion, par exemple ; elle peut aussi ne trouver aucune explication claire MĂȘme si vous ĂȘtes habillĂ©e le plus simplement du monde, vous avez des problĂšmes avec les femmes », remarque Diallo. VulnĂ©rable et fragile par nature, la personne lâest aussi parce quâelle ne peut maĂźtriser les effets de son comportement lâostentation ne pas cacher son bonheur, sa rĂ©ussite Ă©veille irrĂ©mĂ©diablement lâenvie, tout comme son contraire, la discrĂ©tion. Et câest Ă une dĂ©stabilisation et Ă une dĂ©possession de soi encore plus grandes de cet individu fragile que parvient lâattaque occulte. 36Les mauvais sorts, lâ envoĂ»tement » qui rĂ©sultent de lâenvie sâexpriment de diverses maniĂšres directement par le regard et les paroles de la personne malintentionnĂ©e ; on connaĂźt bien le mauvais Ćil », source de tous les dangers, la mauvaise bouche » qui met en pĂ©ril la rĂ©putation dâun homme ou dâune femme. Mais le plus souvent, câest par la mĂ©diation dâun marabout ou dâun autre spĂ©cialiste que le sort est lancĂ© ; les vecteurs essentiels en sont la nourriture et la boisson, tout aliment pouvant receler des substances malĂ©fiques41. Mais Ă Paris, il est aussi trĂšs frĂ©quent que les sorts soient forgĂ©s Ă partir du nom de la personne Ă atteindre et consistent en incantations prononcĂ©es Ă distance. 37La palette des raisons du malheur que mettent en avant les marabouts parisiens est donc riche, mĂȘme si elle sâest rĂ©duite au regard du contexte africain ; rappelons que dans le Coran, seules trois causes du mal sont dĂ©noncĂ©es la nature, les hommes, les gĂ©nies. Quant aux spĂ©cialistes de la ruqiya42, ils retiennent, pour leur part, Ă©galement trois causes la sorcellerie, le mauvais Ćil, les djinns, les symptĂŽmes de chacune Ă©tant prĂ©cisĂ©ment dĂ©crits. Sâagissant des marabouts, cette diversitĂ© peut sâexpliquer par le maintien, Ă Paris, de certains schĂ©mas vivifiĂ©s et remodelĂ©s dans ce nouvel espace, comme on en a vu un exemple Ă propos des djinns, et mĂȘme, dans une moindre mesure, avec les sorciers. Elle trouve aussi sa source dans la rotation rapide des marabouts, dont certains arrivent tout droit dâAfrique en connaissant peu de choses du contexte parisien. La culture propre Ă chacun joue aussi son rĂŽle, introduisant des choix individuels. Il semble donc difficile de donner une interprĂ©tation univoque de cette variĂ©tĂ© des causes. Cependant on doit noter une certaine uniformisation du vocabulaire employĂ© pour les exprimer, phĂ©nomĂšne analogue Ă celui dĂ©jĂ constatĂ© pour la qualification de lâaction occulte. Ce nivellement va jusquâĂ lâemploi dâun vocabulaire de style new age, certains marabouts parlant dâ une espĂšce dâesprit » et de mauvaises ondes », ou dâ ondes nĂ©gatives » pour Ă©voquer aussi bien le malĂ©fice de djinns que lâaction nĂ©faste dâun tiers. Sâagit-il dâun ajustement stratĂ©gique Ă la clientĂšle, dâune preuve supplĂ©mentaire de la fluiditĂ© des catĂ©gories dâanalyse ? Ou dâune vĂ©ritable Ă©volution de celles-ci ? Ici encore, une rĂ©ponse unique ne semble pas sâimposer. 38Il nâen reste pas moins que de toutes les causes dâinfortune, les attaques humaines dues Ă lâenvie se dĂ©tachent nettement. Ce fait est particuliĂšrement marquĂ© lors des consultations radiodiffusĂ©es, comme si cette cause dâinfortune constituait une base commune aux diffĂ©rents auditeurs frĂ©quentant lâantenne. Comment expliquer cette prééminence ? Comme on lâa dĂ©jĂ notĂ©, les problĂšmes soumis aux marabouts ont tous un point commun ils tĂ©moignent de la dĂ©stabilisation de la personne, de sa fragilisation. Cet Ă©tat intime entre particuliĂšrement en correspondance avec la prĂ©carisation sociale quotidiennement subie ou violemment redoutĂ©e par un nombre croissant dâhabitants de la France contemporaine, quâil sâagisse du domaine de lâemploi ou de celui des sentiments et de la famille. Les rĂšgles du travail comme les formes de rapport Ă autrui43 sont en plein bouleversement, menaçant les vies individuelles. Sans doute, dans la sociĂ©tĂ© contemporaine, les situations de lutte, de concurrence avec des semblables ayant les mĂȘmes besoins et les mĂȘmes dĂ©sirs que soi, sont-elles si frĂ©quemment vĂ©cues quâelles suffisent Ă dĂ©signer ces rivaux comme cause de toutes les difficultĂ©s. Sans doute aussi, dans une sociĂ©tĂ© qui proclame lâĂ©galitĂ© des chances, la rĂ©ussite de certains attise t-elle avec plus dâacuitĂ© lâenvie. 39Qui sont ces semblables qui, par leurs paroles, par leur regard ou par la mĂ©diation dâun spĂ©cialiste, causent le malheur ? La famille reste le grand creuset des malĂ©fices â famille restĂ©e au loin pesant sur lâimmigrĂ© qui semble sâĂ©manciper, mais aussi ancienne Ă©pouse ou ancien ami dâun homme ou dâune femme ayant reformĂ© un nouveau couple, parents sâimmisçant dans la vie de leurs enfants, et tout degrĂ© de parentĂ© Les proches sont devenus les ennemis no 1 », constate un marabout diagnostiquant le mauvais sort dont est atteinte sa consultante. Mais la proximitĂ© dĂ©passe largement ce cadre collĂšgues de travail, voisins, relations de toute nature peuvent ĂȘtre incriminĂ©s. La rivalitĂ© sâexprime aussi de façon plus gĂ©nĂ©rale et câest, au-delĂ mĂȘme de lâentourage direct, de tout lien identifiable, chaque membre de la sociĂ©tĂ© qui peut ĂȘtre suspectĂ©, quâil soit dĂ©signĂ© par un singulier on », une personne », ou par un collectif les gens », tout le monde ». 40Expliquer cette gĂ©nĂ©ralisation par un procĂ©dĂ© dâeuphĂ©misation ou de mĂ©taphorisation classique dans la dĂ©nomination du malheur44 et des pratiques qui lui sont liĂ©es nâest pas suffisant. Il semble plutĂŽt que ces dĂ©signations trĂšs larges visent Ă intĂ©grer dans un mĂȘme ensemble tous les citadins sans distinction, de les sortir dâun inconnaissable inquiĂ©tant pour en faire les partenaires potentiels dâune compĂ©tition pour laquelle les marabouts sont supposĂ©s armer leurs consultants. On a lĂ une maniĂšre assez paradoxale de faire sentir que tous les habitants dâun mĂȘme lieu, et au-delĂ , sont liĂ©s dans la concurrence et la lutte, une maniĂšre paradoxale de faire sociĂ©tĂ© ». Formes et buts du travail » maraboutique 41Il est impossible, dans le cadre de cet article, de dĂ©crire en dĂ©tail tous les procĂ©dĂ©s mis en Ćuvre par les marabouts pour la seconde phase de lâaction quâils proposent rĂ©duire lâinfortune aprĂšs en avoir dĂ©terminĂ© la cause. PrĂ©cisons que, de mĂȘme que certains consultants se contentent dâune divination, dâautres ne se soucient guĂšre de cette premiĂšre phase et sont entiĂšrement tendus vers la rĂ©solution de leur problĂšme. 42On se contentera de mentionner la fabrication de diverses formes de talismans pour laquelle plusieurs types de connaissance sont nĂ©cessaires celle des moments favorables, celle des noms dâAllah, dâanges et de djinns Ă invoquer, celle des versets Ă utiliser, Ă Ă©crire, celle des procĂ©dures Ă©sotĂ©riques de calcul abadjada, celle des vĂ©gĂ©taux et matiĂšres minĂ©rales ou animales Ă adjoindre aux Ă©critures. Ă propos de lâĂ©criture, il faut noter que, de mĂȘme que les djinns sont rĂ©putĂ©s agir sur la personne, en bien ou en mal, de mĂȘme les versets et la lettre coranique sont, dans lâoccultisme musulman, rĂ©putĂ©s capables de mouvoir le monde et ses crĂ©atures. La part de lâĂ©crit et celle des autres matiĂšres est variable selon les marabouts. Comme on peut sây attendre, le milieu parisien nâest pas toujours favorable Ă ces crĂ©ations artisanales et les marabouts sâefforcent, parfois avec difficultĂ© dans bien des domaines, de pallier le manque de tel produit, de telle plante45. Lâune des Ă©volutions les plus marquantes Ă Paris est la prĂ©dominance de lâĂ©crit sur lâusage de matiĂšres introuvables dans ce contexte. 43Les mĂȘmes procĂ©dĂ©s sont utilisĂ©s pour confectionner non des talismans Ă porter sur soi, Ă placer dans tel endroit de sa maison, Ă jeter dans lâeau courante, ou encore Ă brĂ»ler, mais des lotions bains » que le consultant doit se passer sur le visage ou le corps selon les cas, et plus rarement des potions. 44Le travail » comporte aussi la prescription faite au consultant dâoffrandes sacrificielles sadaqa, pratique frĂ©quente mais seulement tolĂ©rĂ©e par lâislam. Le but de ce sacrifice est de donner la route », dâ accĂ©lĂ©rer le processus ». Ainsi Sakho propose-t-il Ă sa consultante qui ne parvient pas Ă obtenir un prĂȘt immobilier dâapporter Ă la mosquĂ©e de Paris trois kilos de sept fruits diffĂ©rents ; mais la destination de lâoffrande peut sortir totalement dâun contexte musulman. Dans le domaine du sacrifice, lâĂ©volution du rituel est sensible tenant compte de la lĂ©gislation française en matiĂšre dâabattage, de lâhorreur du sang que manifestent la plupart de leurs clients dâorigine française, de la difficultĂ© Ă se procurer un animal vivant en ville, de nombreux marabouts remplacent le sacrifice animal coq, mouton par celui de fruits, de lait, de tissu, de papier, dâargent46. LâĂ©tablissement des Ă©quivalences sâaccompagne dâune certaine spiritualisation, oĂč plus que le don lui-mĂȘme, câest lâintention du sacrifiant niyya, le sentiment intĂ©rieur qui est valorisĂ©. Cette tendance est dĂ©celable aussi dans la destination du sacrifice, qui tend Ă se confondre avec une simple charitĂ© », terme dâailleurs frĂ©quemment employĂ© par les marabouts. Cependant certains dâentre eux imposent coĂ»te que coĂ»te la matĂ©rialitĂ© du don, lâexactitude des gestes rituels. On assiste donc, Ă Paris, non Ă une Ă©volution linĂ©aire du rituel vers moins de substance et plus dâindividualisation mais au maintien de tendances contraires. Cette dynamique semble ĂȘtre au fondement du succĂšs des marabouts Ă Paris, de façon globale et dans la carriĂšre » de chacun dâeux elle repose sur un subtil Ă©quilibre entre une naturalisation » des pratiques â phĂ©nomĂšne quâon a pu souligner plus haut Ă propos du nivellement du vocabulaire utilisĂ© â et la persistance de gestes, de schĂ©mas interprĂ©tatifs directement venus de la culture islamo-africaine des marabouts, persistance jouant un rĂŽle non nĂ©gligeable dans la distanciation exotique recherchĂ©e par certains consultants français. 45Enfin ces talismans et ces sacrifices ne sauraient ĂȘtre efficaces sans les priĂšres nocturnes que les marabouts doivent rĂ©citer, dans des endroits purifiĂ©s. Le choix des versets et invocations utilisĂ©s pour chaque cas, ainsi que le nombre de rĂ©citations nĂ©cessaires sont la partie la plus secrĂšte et la plus personnelle de leur travail ». Comme dans le soufisme, la prononciation mĂȘme des priĂšres vaut plus que leur sens. Ici encore le contexte parisien a modifiĂ© la pratique, et la rĂ©clusion khalwa de plusieurs jours dans un endroit isolĂ©, loin de toute souillure, assortie dâun jeĂ»ne, pendant lequel le marabout doit passer la continuitĂ© de son temps en priĂšres, est en voie de disparition. 46La signification de tous ces gestes nâest en gĂ©nĂ©ral pas donnĂ©e au consultant, seul compte le respect scrupuleux du rituel et des indications prescrites. Ce mystĂšre qui entoure toutes les pratiques magico-religieuses laisse toute latitude pour un cheminement parallĂšle, une invention personnelle du sens â possibilitĂ© particuliĂšrement bienvenue dans le cas dâune clientĂšle multiculturelle comme lâest celle des marabouts. 47Il semble inutile de souligner ce que ce travail » maraboutique peut avoir en commun avec dâautres pratiques de dĂ©livrance des sorts ou de guĂ©rison, tant contemporaines que plus anciennes. Il nous semble plus intĂ©ressant dâanalyser la façon dont les marabouts Ă©voquent leur travail », qui en rĂ©vĂšle mieux le fondement. 48Les termes utilisĂ©s pour qualifier le travail » sont les antonymes de ceux employĂ©s pour lâaction occulte le travail » vise Ă dĂ©bloquer la chance », enlever le blocage de ce quâon a jetĂ© sur [lui] ». Plus profondĂ©ment, il sâagit de dĂ©gager », de nettoyer la personne », de la sĂ©parer » des influences nĂ©fastes quâelle a subies lâattaque occulte est une souillure dont il faut purifier lâindividu. Puis il est nĂ©cessaire de rĂ©aliser une protection », un blindage », un mur de dĂ©fense » autour dâelle pour la rendre inattaquable. Câest principalement le corps de la personne, par les amulettes portĂ©es trĂšs serrĂ©es contre la poitrine ou autour du cou, par les bains purificateurs et protecteurs, qui est le support de ce travail de dĂ©livrance. Les expressions employĂ©es pour dĂ©finir ces actions Ă©voquent tout Ă fait la reprĂ©sentation du corps-forteresse quâon trouve chez GhazzĂąli, auteur du xiie siĂšcle dont la pensĂ©e a amplement influencĂ© les pratiques maraboutiques comme une forteresse assiĂ©gĂ©e, il doit ĂȘtre dĂ©fendu contre ses ennemis et ses portes doivent ĂȘtre gardĂ©es. 49Bien sĂ»r, selon une dialectique subtile du bien et du mal, lâ attachement » qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© contre la personne du consultant pourra ĂȘtre rĂ©alisĂ© Ă son profit sur une tierce personne. Ainsi Sakho propose Ă Myriam de fabriquer un cadenas pour attacher » sa maĂźtresse de stage qui refuse depuis des semaines de lui signer son contrat. 50Enfin le travail vise Ă restaurer lâ Ă©quilibre » et la stabilitĂ© » de la personne, anĂ©antissant lâeffet des accidents et des dĂ©sordres qui bouleversent sa vie. Ce souci de la personne elle-mĂȘme explique que les marabouts dĂ©tournent leurs consultants du dĂ©sir de connaĂźtre lâauteur du malĂ©fice qui les accable â lâun des autres objectifs de cette position Ă©tant, bien sĂ»r, la mĂ©diatisation de la violence Il vaut mieux sâoccuper de la personne que de savoir qui a fait ça », affirme Guirassy. Sans doute, aussi, ce repli est-il une consĂ©quence de la difficultĂ©, dans le contexte complexe dâune grande ville, Ă dĂ©terminer un coupable alors que chacun appartient Ă des rĂ©seaux multiples de relations. Centrer lâaction sur la personne nâempĂȘche cependant pas la prise en compte de tout son entourage Ă travers elle, il sâagit, comme le dit encore Guirassy, de maintenir des familles au bord de lâĂ©clatement ». Cette restauration repose, en outre, sur un art de la mesure » et de la limite » faire un usage immodĂ©rĂ© dâun bain », de mĂȘme que, pour le marabout lui-mĂȘme, accĂ©der aux demandes excessives de certains clients47 risque dâavoir un effet contraire au but recherchĂ©. On retrouve ici les propriĂ©tĂ©s bien connues du pharmacon, Ă la fois bĂ©nĂ©fique et malĂ©fique. 51MĂȘme si, dans la rĂ©alitĂ© de leur comportement, certains consultants se montrent sourds Ă cette mise en avant des limites et avides dâassouvir coĂ»te que coĂ»te leur dĂ©sir, on peut apprĂ©cier combien ces termes dâ Ă©quilibre », de stabilitĂ© », de mesure » appliquĂ©s Ă la personne, entrent en rĂ©sonance avec les buts de maintes pratiques contemporaines visant le bien-ĂȘtre individuel et le dĂ©veloppement personnel. 52Mais, au-delĂ de cet idĂ©al de restitution de soi et de resocialisation, câest une personne bien particuliĂšre qui se profile derriĂšre le travail » maraboutique, une personne dont la rĂ©ussite personnelle est considĂ©rĂ©e comme lĂ©gitime. Câest dâabord lâentreprise individuelle qui est valorisĂ©e Vous nâĂȘtes pas fait pour travailler et attendre quelque chose Ă la fin du mois », assure Diaby Ă sa cliente qui veut ouvrir un commerce, entendant par lĂ que lâinitiative, lâautonomie, lâaudace sont prĂ©fĂ©rables au salariat ; Gassama va plus loin dans ce sens Vous ĂȘtes fait pour gouverner, pas pour ĂȘtre commandĂ© », assĂšne-t-il Ă son consultant dont tous les projets Ă©chouent. Notre marabout mĂ©diatique fournit, quant Ă lui, une explication trĂšs Ă©clairante des malheurs qui lui sont soumis, quâil attribue Ă lâenvie Quelquâun qui commence Ă briller, tout marche bien pour la personne et un moment on est trĂšs jaloux de cette personne, on passe par des travaux occultes pour bloquer sa chance [âŠ]. » Il faut accepter la volontĂ© de Dieu, il faut savoir que quand quelquâun est en avance, câest le Dieu qui lui a donnĂ© cette chance, il ne faut pas que je lui en veux pour lui faire du mal et pour stopper sa chance [âŠ]. » 53Ne trouve-t-on pas ici, dans lâislam des marabouts, un Ă©cho des thĂšses dĂ©fendues par Weber 1989 dans LâĂthique protestante et lâesprit du capitalisme, lâoriginalitĂ© Ă©tant que la sorcellerie est la ressource de ceux qui ne sont pas Ă©lus autant que de ceux qui le sont ? De fait, la recherche de protection contre cette sorcellerie qui pourrait faire descendre » lâindividu est une constante trĂšs contemporaine dans la clientĂšle de bien des spĂ©cialistes de lâocculte, tels ces chamanes corĂ©ens Ă©tudiĂ©s par Kendall 1996 dans un article au titre trĂšs Ă©vocateur. 54Mais cette attention portĂ©e Ă la personne nous oriente Ă©galement vers un autre rĂŽle du travail » maraboutique. Vers un autre rĂŽle 55Dans la conception maraboutique, la personne est soumise Ă des forces qui peuvent ĂȘtre sources de malheur, et lâon a vu lâĂ©ventail de celles qui Ă©taient diagnostiquĂ©es Ă Paris. Pourtant toutes ces sources ne sont pas quâextĂ©rieures Ă lâindividu. Lui-mĂȘme peut ĂȘtre mis en cause. Ainsi, Ă une femme anxieuse de savoir si son mari va revenir, TourĂ© rĂ©pond Tout dĂ©pend de vous. » Ă une consultante dont le couple se dĂ©fait, Guirassy assĂšne Il faut vous calmer. Vous ĂȘtes lâauteure de ces perturbations », dĂ©mentant nettement lâinterprĂ©tation que celle-ci veut entendre et quâelle suggĂšre il y aurait quelquâun » â un ensorcellement â entre elle et son mari. Ici encore, chaque marabout a sa propre panoplie de causes, reposant sur des cultures individuelles, sur des analyses personnelles des attentes de leurs clients ; certains marabouts sont plus enclins que dâautres Ă souligner le rĂŽle du consultant lui-mĂȘme et de sa subjectivitĂ© comme source premiĂšre de ses difficultĂ©s. TourĂ© va mĂȘme jusquâĂ se gausser de ses propres collĂšgues qui ne parlent que de shejtan ou de sort. Mais en examinant de prĂšs le dialogue qui sâinstaure dans les consultations, on constate que souvent plusieurs causes sont Ă©voquĂ©es en mĂȘme temps. Ainsi Ă un homme que sa femme veut quitter aprĂšs 20 ans de mariage, Dabo rĂ©pond que cette derniĂšre est sous lâinfluence dâune tierce personne et quâil va faire quelque chose » pour quâelle change dâavis mais il demande aussi Ă lâhomme de rĂ©flĂ©chir, de changer dâattitude Ă son Ă©gard⊠Chez Anna qui Ă©choue aux examens alors quâelle travaille beaucoup, Mohammed diagnostique un blocage » dĂ» Ă son entourage⊠mais il ajoute Vous ĂȘtes stressĂ©e, je vous demande de vous tranquilliser⊠» Câest donc souvent un langage aux voix multiples que tient le marabout, oĂč la mise en cause dâun tiers nâexclut pas la prise en compte dâun individu responsable de ses propres actes. 56Il paraĂźtrait abusif dâattribuer lâĂ©mergence de telles causes au contexte parisien puisquâelles existent depuis longtemps dans les villes africaines. De mĂȘme, il ne paraĂźt plus trĂšs pertinent, du moins plus trĂšs actuel de considĂ©rer, comme le fit naguĂšre AugĂ© 1975, que le passage de la conception persĂ©cutive » Ă la culpabilitĂ© individuelle » sâexplique par la modernitĂ© et lâurbanisation. Comme le montrent de rĂ©centes analyses menĂ©es dans les villes africaines Marie 1997a, le fait saillant est au contraire la variĂ©tĂ© et la coexistence des systĂšmes de rĂ©fĂ©rence. Câest bien cette mĂȘme tension que lâon peut constater Ă Paris, dĂ©mentant toutes les conceptions trop linĂ©aires de lâĂ©volution des sociĂ©tĂ©s. 57Mais cette mise en exergue du sujet individuel, contribue aussi Ă modifier le rapport entre le consultant et son marabout, et Ă confĂ©rer Ă ce dernier un nouveau rĂŽle celui non plus ou non plus seulement de devin capable de rĂ©duire lâinfortune, mais de nĂ©gociateur et de conseiller. Le temps des consultations parisiennes est Ă©maillĂ© dâexhortations intimĂ©es sur un ton dâautoritĂ© Ne vous laissez pas abattre », ou Je vous demande de ne pas vous inquiĂ©ter, mettez-vous dans votre tĂȘte que vous allez rĂ©ussir », ou encore Gardez confiance en vous ». Certains conseils sont mĂȘme prodiguĂ©s hors de toute divination Ce nâest pas une question de mĂ©diumnitĂ© », dit TourĂ©, qui donne Ă sa consultante des arguments pour quâelle rĂ©ussisse Ă obtenir de son ami un mariage halĂąl, fait Ă cette jeune fille des remontrances sur ses mauvaises relations avec son pĂšre Ă propos dâun hĂ©ritage, incite cette jeune femme Ă abandonner sa relation avec un homme mariĂ©. Il sâagit parfois simplement de dĂ©samorcer une crise Vous ne souffrez pas trĂšs gravement, ce nâest pas tellement dramatique » remarque Gassama. Sans trouver des causes occultes Ă chaque question qui leur est soumise â et rĂ©sistant parfois, en cela, aux pressions de leurs clients â les marabouts se font les mĂ©diateurs dâune morale sociale issue de lâislam48, jouent les rĂŽles de conseillers et de consolateurs Il y a des gens qui ne supportent pas leur problĂšme, il faut les rassurer, les consoler » dit Diaby qui ajoute Partager sa douleur, en parler, câest dĂ©jĂ un pas vers la solution. » MĂȘme les marabouts du cabinet mĂ©diatique disent offrir le cĂŽtĂ© humaniste, un regard, une Ă©coute, un conseil moral pour attĂ©nuer la douleur »49. Quâil soit bien ou mal assumĂ© par les marabouts, ce rĂŽle dâ Ă©couteur »50 que leurs consultants leur font jouer Ă Paris nâest pas nĂ©gligeable, au point que certains se plaignent dâĂȘtre dĂ©sormais consultĂ©s par leurs clients Ă tout propos⊠58On pourrait certes dire que, venus Ă Paris pour voir quelque chose » et y gagner leur vie, les marabouts retrouvent dans ce nouveau contexte la fonction de nĂ©gociateur et de rĂ©gulateur de conflits qui est aussi souvent la leur en Afrique ; ce rĂŽle dĂ©borde celui de voyant dans lequel ils se sont coulĂ©s dĂšs leur arrivĂ©e en France. Mais cette interprĂ©tation est incomplĂšte car le fait marquant est que cette demande dâĂ©coute et de conseil leur est faite par des consultants de toutes origines. Ainsi ce que Marie, jeune femme française, retient des marabouts quâelle a longuement frĂ©quentĂ©s Ă la suite dâun chagrin dâamour, ce nâest ni les divinations, ni le travail » quâils ont fait pour elle â travail envers lequel elle a dâailleurs eu souvent un recul critique â, mais prĂ©cisĂ©ment les contacts chaleureux, les discussions, la disponibilitĂ©, la compassion, les encouragements. 59Dans la France contemporaine, oĂč la fragilitĂ©, lâinstabilitĂ© marquent les vies ordinaires, ce rĂŽle jouĂ© par les marabouts â par eux mais aussi par bien dâautres personnages51 â semble traduire le fort besoin dâinstances mĂ©diatrices ou de relais de mĂ©diation, mĂ©diations plus lĂ©gĂšres, plus improvisĂ©es, plus fugaces que les institutions existantes. Haut de page Bibliographie AubrĂ©e, Dynamiques comparĂ©es de lâĂglise Universelle du Royaume de Dieu au BrĂ©sil et Ă lâĂ©tranger », in Bastian, F. Champion & K. Rousselet dir., La globalisation du religieux, Paris, LâHarmattan 113-124. 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Haut de page Notes 1 Il sâagit dâune Ăglise nĂ©o-pentecĂŽtiste dâorigine brĂ©silienne implantĂ©e Ă Paris depuis 1992, dont les fidĂšles sont, depuis 1998, presque exclusivement dâorigine africaine, voir Dard 2003. 2 Sur la constitution de cette clientĂšle, voir Kuczynski 2002 309 et sq.. 3 GeschiĂšre 1995 dans le cadre du Cameroun, Bubandt 2006 dans le cadre de lâIndonĂ©sie. 4 Comme câĂ©tait le cas dans lâex-URSS. 5 Le matĂ©riau utilisĂ© rĂ©sulte dâune enquĂȘte intensive menĂ©e auprĂšs de marabouts parisiens dans les annĂ©es 1990 et poursuivie plus longtemps auprĂšs dâun petit nombre dâentre eux, ainsi que dâenregistrements dâĂ©missions en direct sur deux radios communautaires de la bande FM lâune maghrĂ©bine, lâautre antillaise animĂ©es par un mĂȘme marabout â reprĂ©sentant une vingtaine dâheures et plus de 200 consultations. 6 Ce cas est analysĂ© en dĂ©tail dans Kuczynski 2007. 7 Dans son ouvrage concernant notamment lâĂ©conomie du charisme dans cette ville, Soares 2005 134 cite, comme Gibbal, le cas dâun chauffeur particuliĂšrement bien protĂ©gĂ© », puisquâil Ă©chappait aux accidents que lâĂ©tat de sa voiture et des routes pouvait faire redouter. 8 En particulier ceux de DaniĂšle Hervieu-LĂ©ger 1999. 9 Voir Ă ce sujet Benoist 1996 et une description de ce phĂ©nomĂšne au Cameroun dans Monteillet 2005. 10 Expression empruntĂ©e Ă lâarticle dâAlain Marie 1997b, qui traite des liens quâun individu noue ou cherche Ă dĂ©nouer avec sa communautĂ© originelle. Sur les liens entre sorcellerie et migration, voir Bouly de Lesdain 1994. 11 Merci Ă Constant HamĂšs pour cette information. Voir son article dans ce numĂ©ro. 12 Selon le TĂąrikh al-sudan xviie siĂšcle, la prospĂ©ritĂ© de la ville de DjennĂ© et de ses commerçants aurait Ă©tĂ© assurĂ©e par les actions et priĂšres de lettrĂ©s de la ville. 13 Du moins momentanĂ©ment⊠14 En poular djilul. Câest le cas dans lâexemple de Khadi Ă©voquĂ© plus haut. 15 Contrairement au jet de cauris. Le listikhar arabe istikhĂąra est issu de lâincubation grecque. 16 Dâau moins une nuit, nĂ©cessaire au rĂȘve. 17 LittĂ©ralement association » de lâislam avec dâautres pratiques. Lâun des thĂ©ologiens qui a inaugurĂ© cette condamnation est le hanbalite Ibn Taymiyya 1263-1328. 18 Le terme ruqiya est dĂ©rivĂ© de la racine arabe signifiant faire des incantations. Sur les usages de la ruqiya dans les dĂ©buts de lâislam, voir HamĂšs 2007 37-40. Voir aussi la description de la formation et des pratiques dâun guĂ©risseur pratiquant la ruqiya dans Khedimellah 2007. 19 La doctrine salafiste la plus rigoureuse considĂšre la mĂ©decine prophĂ©tique dans sa totalitĂ© comme bidâa, innovation blĂąmable. 20 De la biographie de ces auteurs figurant en quatriĂšme de couverture, on peut dĂ©duire que ce livre nâest pas antĂ©rieur Ă lâannĂ©e 1997. Les auteurs appartiennent au mouvement tabligh. 21 On trouve sur lâInternet un trĂšs grand nombre de sites dĂ©volus Ă la ruqiya, indiquant pour des cas bien identifiĂ©s, les versets Ă prononcer, les produits Ă ajouter telle lâhuile de graine noire », nigelle ». Certains de ces sites offrent mĂȘme la possibilitĂ© de tĂ©lĂ©charger des textes et des psalmodies de priĂšres de protection. 22 Câest le titre de lâĂ©mission que fit, dans les annĂ©es 1994-1995, un marabout sur les ondes dâune radio de la bande FM. 23 Les termes par lesquels sont dĂ©signĂ©s les personnes et les actes relatifs Ă lâintervention des marabouts sont toujours euphĂ©miques. 24 Lâattachement excessif de leurs clients Ă un homme ou une femme quâil sâagirait de faire revenir Ă tout prix, ne manque pas de troubler bien des marabouts mĂȘme si, gagne-pain oblige, certains accĂšdent Ă ces dĂ©sirs. 25 Dans lâislam maraboutique, les lieux souterrains, les seuils, les endroits trĂšs frĂ©quentĂ©s tels les marchĂ©s sont les repaires privilĂ©giĂ©s des gĂ©nies. 26 Câest le français qui sert de lingua franca Ă la pratique maraboutique en France. 27 Câest dâailleurs le terme attacher » quâemploient les lycĂ©ens dont les propos et pratiques sont analysĂ©s dans Gibbal 1974 641. 28 La sourate CXIII, 4, condamne les souffleuses dans les nĆuds ». Certains marabouts utilisent cependant cette pratique, dont lâeffet est censĂ© ĂȘtre plus rapide que la fabrication dâamulettes. On retrouve ici le souci du gain de temps imposĂ© par le contexte parisien â qui a cependant son revers car les actions rapides sont rĂ©putĂ©es peu durables. 29 Quâon pense, par exemple, au nouage de lâaiguillette, malĂ©fice connu dans la tradition europĂ©enne mĂ©diĂ©vale, visant Ă rendre un homme impuissant. 30 Version ouest-africaine de lâarabe djinn. 31 Mais dans certains cas particuliĂšrement rĂ©calcitrants, lorsquâil sâagit de faire du mal, ce sont des djinns peu recommandables qui sont invoquĂ©s, avec une demande de pardon faite Ă Allah, voir un exemple dans Kuczynski 2007. 32 Il sâagit du nom propre de la personne et non de son patronyme. 33 Ils ne coĂŻncident souvent pas avec les orifices du corps humain, et le degrĂ© dâefficacitĂ© de chaque point cerveau, os, moelle, etc. varie selon les marabouts. 34 Câest-Ă -dire quâil nâest plus conscient de ce quâil fait. 35 Au sens de la witchcraft dâEvans-Pritchard. 36 Il faut noter que le terme de soucougnan est employĂ© dans ce sens aux Antilles, voir Henry Valmore 1988 72. 37 Lâauteur Ă©voque le milieu dakarois. 38 Sourates CXIII et CXIV. 39 En arabe, lâune des dĂ©signations du malheur est banĂąt giyar filles des vicissitudes du sort Sublet 2003 286. 40 Câest ce type de cas que lâon dĂ©signe au SĂ©nĂ©gal par maraboutage ». 41 Voir remarque identique Ă propos de lâaction malĂ©fique en milieu camerounais parisien dans Bouly de Lesdain 1994 158. 42 DâaprĂšs le manuel signalĂ© ci-dessus. 43 Dont lâune des formes est la fragilitĂ© des couples. 44 Voir Ă ce sujet Sublet 2003 qui commente 72 mĂ©taphores dĂ©signant le malheur en arabe. 45 Sur le contenu des talismans et des textes employĂ©s, voir HamĂšs 1997. 46 Toutes matiĂšres qui, par ailleurs, sont bonnes Ă sacrifier câest en principe la divination qui indique le type dâoffrande nĂ©cessaire. 47 Ce que, cependant, certains marabouts, pris par la pression de la clientĂšle et du marchĂ©, ne manquent pas de faire. 48 Morale parfois assouplie au regard de la stricte norme islamique. 49 1995, sur les ondes de la radio France-Maghreb. 50 RĂŽle quâon ne peut confondre avec celui dâun psychothĂ©rapeute, quel quâil soit, mĂȘme si ce rĂŽle de conseiller repose partiellement sur une fine observation des gestes, des dires du consultant. 51 Quâon pense, par exemple, Ă lâessor du de page Table des illustrations Titre BĂ©nin, Fon bĂČcyÉÌ pour empĂȘcher un supĂ©rieur de revenir sur la faute dâun subordonnĂ© LĂ©gende bĂČcyÉÌ, littĂ©ralement bĂČ, objet dont la puissance est activĂ©e par un traitement particulier et cyÉÌ, enveloppe corporelle du mort, son dĂ©signe toute reprĂ©sentation humaine sculptĂ©e, et est toujours considĂ©rĂ©e comme une chose-dieu, Ă la fois singuliĂšre mais reproductible, dont la puissance tient plus Ă sa prĂ©sence quâĂ ses facultĂ©s de reprĂ©sentation. Voir Jean Bazin, Retour aux choses-dieux », in C. Malamoud & Vernant dir., Corps des dieux Le temps de la rĂ©flexion, 7, pp. 253-273, 1986. URL Fichier image/jpeg, 108k Titre BĂ©nin, NagĂŽ, bĂČcyÉÌ pour tuer un ennemi URL Fichier image/jpeg, 100k Titre Sud-Togo, Ewe, bĂČcyÉÌ pour unir un couple pour la vie URL Fichier image/jpeg, 116k Titre Sud-BĂ©nin, Aja-Fon, bĂČcyÉÌ pour unir un couple pour la vie URL Fichier image/jpeg, 102k Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Liliane Kuczynski, Attachement, blocage, blindage », Cahiers dâĂ©tudes africaines, 189-190 2008, 237-265. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Liliane Kuczynski, Attachement, blocage, blindage », Cahiers dâĂ©tudes africaines [En ligne], 189-190 2008, mis en ligne le 08 avril 2011, consultĂ© le 17 aoĂ»t 2022. URL ; DOI Haut de page Droits d'auteur © Cahiers dâĂtudes africainesHaut de pageSearch Tu Me Manques Tellement Message. Voici une merveilleuse liste des sms et message d'amour pour dire tu me manque Message pour dire tu me manques La Terre peut s'arrĂȘter de tourner, les oiseaux s'arrĂȘter de chanter et les poissons arrĂȘter de Mon fils Eurico , parti beaucoup trop tĂŽt, le 1 mars 2016 What does 'Tu me manques tellement mon magnifique garçon' mean in PubliĂ© le 2 Juillet 2015 par Parmi les versets du Saint Coran, nous avons les versets dit "invocations exaucĂ©es", ces versets sont tellement puissants vue leur portĂ©e historique, mais, aussi, leur preuve en matiĂšre de manifestation des miracles dans la solution spirituelle. Aujourd'hui, je vais partager un peu sur les vertus et secrets du verset Abrahamique, son historique et comment le pratique. Lisez attentivement jusqu'Ă la fin. Historique du verset Abrahamique Abraham selon l'appellation Judo-chrĂ©tienne et Ibrahim selon l'appellation Islamique a une place on ne peut plus important dans l'histoire des religions. L'histoire de ce prophĂšte ne sera pas longue dans cet article. Nous allons faire court, et mĂȘme trĂšs court. En rĂ©sumĂ©, Ibrahim vivez dans une citĂ© IdolĂątre avec ces parents. Il faut dire que la population de cette citĂ©e Ă©tait des IdolĂątres, en d'autre terme des gens qui adorent des statues, et autres objets physiques. Lorsquâon envoya le prophĂšte Abraham vendre des statues, une fois sur la place du marchĂ© il chanta " Qui d'autre veut acheter ce qui ne lui servira Ă rien". On peut dire que c'est une façon plutĂŽt curieuse de faire du marketing...Et de surcroit, il trainait sa marchandise supposĂ©e ĂȘtre des dieux au sol. Il traitait mal les dieux des idolĂątres et ces derniers dĂ©cidĂšrent un jour de mettre fin Ă ces agitations qu'ils jugeaient blasphĂ©matoire Ă lâĂ©gard de leurs Dieux. SĂ©ance tenante, chaque personne de la citĂ© vint avec un morceau de bois et on alluma un grand feu dans lequel on jeta le prophĂšte Abraham paix et bĂ©nĂ©diction sur lui. Dans les flammes ardentes, il a remis son destin entre les mains de Dieu par ce terme "ASBOUNNALLAHA WANIMAL WAKILOU". C'est une courte invocation qui fut si puissante que Dieu envoya l'ange Gabriel pour transformer cette chaleur dans laquelle il se trouvait en un lieu paisible et frai. C'est la naissance du verset Abrahamique. Plus tard, le prophĂšte Mohamed Paix et BĂ©nĂ©diction sur lui conseilla ce verset Ă tous les croyants qui se trouveraient dans des situations dĂ©licates de l'utiliser comme invocation exaucĂ©e. Les vertus du verset abrahamique Vous venez d'apprendre un peu sur la naissance du verset Abrahamique. Maintenant, nous allons parler de ses vertus. Comme tout verset, il existe des vertus cachĂ©s et nous ne transmettons que ce que nous pouvons. Le verset en lui mĂȘme est celui de la sourate Al-Imran, sourate 3, verset 173. Le verset complet dit " Certes ceux auxquels l'on disait "Les gens se sont rassemblĂ©s contre vous; craignez-les" - cela accrut leur foi - et ils dirent "Allah nous suffit; Il est notre meilleur garant". Mais la partie connue pour le zikr est " ASBOUNALLAHA WANIMAL WAKILOU" qui n'est qu'un bout de ce verset. " ASBOUNALLAHA WANIMAL WAKILOU" veut dire ==> "Allah nous suffit; Il est notre meilleur garant" Ce verset a deux grandes vertus 1. Protection 2. RĂ©ussite et Ă©volution Cas de protection avec le verset Abrahamique On rĂ©cite le verset Abrahamique au moins 50 fois par sĂ©ance de priĂšre, ce peut-ĂȘtre les priĂšres quotidiennes, ceci Ă titre prĂ©ventif. Mais si vous ĂȘtes harcelĂ© par des gens qui sont potentiellement dangereux et vous craignez pour votre vie, vous passez Ă la vitesse supĂ©rieure en rĂ©citant ce verset 450 fois chaque jour de prĂ©fĂ©rence la nuit comme suit 400 puis 50. De la base vers le sommet. Cas de rĂ©ussite et Ă©volution avec le verset Abrahamique Pour rĂ©ussir, il s'agira de le rĂ©citer pendant plusieurs jours 450 fois, comme suit 50 fois, puis 400 fois. Donc, du sommet vers la base. C'est une technique de rĂ©citation enseignĂ©e dans des Ă©coles hermĂ©tiques. Bien sĂ»r, il faudra Ă chaque sĂ©ance ajouter une invocation de votre choix et dire votre vĆu. C'est aussi simple que ça. Ce verset a fait des miracles pour les autres et je vous le conseille vivement de l'intĂ©grer Ă votre tour dans vos invocations de tous les jours. Vous verrez des grandes changements s'opĂ©rer au fur et Ă mesure et surtout, restez dans le droit chemin car, Dieu n'Ă©coute pas les malhonnĂȘtes, les ingrats, ceux qui consomment des choses acquises de maniĂšre illicite. J'ai donnĂ© une bonne vertu de verset Abrahamique dans la solution spirituelle dans cet article. Maintenant, si vous voulez aller plus loin dans la pratique avec ce verset, hĂ© bien, lisez mon document " comment prier avec puissance quand on est musulman". Vous y apprendrez non seulement plus d'information sur ce verset et comment l'utiliser de maniĂšre approfondie, mais, aussi, comment utiliser le verset de Jonas et bien d'autres secrets encore. Il ne me reste plus qu'Ă vous souhaiter bon Zikr et surtout, partagez cet article avec les gens que vous aimez et vos poches. BARAKALLAHOU FIKOUM
Unepersonne est nĂ©e dans une famille, oĂč les conditions sont favorables pour faire face Ă son destin et oĂč il y a un compte important de donner et recevoir avec chaque membre de cette famille. ConformĂ©ment Ă la loi du Karma, chaque action positive gĂ©nĂšre un âmĂ©riteâ alors que chaque action nĂ©gative gĂ©nĂšre un âdĂ©mĂ©riteâ ou
Filde discussion: Peut-on changer notre Destin? (Lu 3258 fois) 0 Membres et 1 InvitĂ© sur ce fil de discussion. Djib # 69007. Membre rĂ©gulier Hors ligne Sexe: Ăge: 31 Localisation: lyon Messages: 75. Peut-on changer notre Destin? « le: Octobre 08, 2008, 11:53:45
Lesinvocations peuvent-elles changer le destin Assalam alaykoumMon mari est parti et mâa laissĂ©e seule avec trois enfants Il ne prie pas je lui ai demandĂ© de revenir pour arranger nos problĂšmes mais il refuse de revenir Il mâa divorcĂ©e sans raison valables On a eu des problĂšmes comme tous les couples Je fais beaucoup dâinvocations pour quâil revienne Je suis dĂ©primĂ©e et 2cOHP.